mardi 17 mars 2020

Comprendre la propagande selon Noam Chomsky et Edward S. Herman


Ce texte se concentre sur la lecture des deux textes écris par : Chomsky et Herman. Le premier texte vient de l’essai: La Fabrication du consentement. Et, le deuxième intitulé : The Propaganda Model : a retrospective

Par: Adam Mira

Dans La Fabrication du consentement les médias sont décrits en tant qu’un instrument au service des particuliers, c’est-à-dire des personnes qui dirigent l’État et des hommes d’affaires possédant un poids financier important dans la société. En sus, ces particuliers mènent, voire dirigent les gouvernés par des processus tels que la propagande. 
Bien que les médias soient sous contrôle de strate supérieure pour certains, les néoconservateurs croient qu’ils sont un instrument sous contrôle de la gauche qui mène une croisade contre le système.
En revanche, le texte The Propaganda Model : a retrospective est basé sur l’analyse de critiques menées par des intellectuelles occidentales à l’ouvrage de La Fabrication du consentement, le but de cet article est de justifier et de mettre la lumière sur certains termes parus dans l’essai mentionner ci-dessus. En sus, les médias selon certaines visions restent anti-démocratie, et prennent une attitude et un comportement adverse à l’égard du gouvernement et des entreprises. Par ailleurs, l’article essaie de répondre à la question suivante : Quel est le modèle de propagande et comment fonctionne-t-il ? 
Dans La Fabrication du consentement les auteurs donnent une définition des médias et leur accordent cinq niveaux de filtrage de l’information afin d’être compatible à la diffusion et fait partie de la propagande. Les cinq niveaux seront expliqués dans les pages suivantes : le financement, l’identité du propriétaire et sa fortune dans le marché, les sources des annonces (gouvernementales vs privées) et l’anticommunisme.
En effet, le rapport explique la structure du modèle proposé dans La Fabrication du consentement, en se basant sur les deux textes ainsi que d’autres références

I)              Taille, actionnariat, fortune du propriétaire et orientation lucrative 

Pendant longtemps, la taille de la presse écrite était modeste. Lorsque les journaux au milieu du XIXe siècle commencent à avoir une influence majeure sur certaines couches de la société, telle que la classe ouvrière, les riches déclenchent l’alarme, selon eux, il faut mettre fin aux journaux qui menacent leurs intérêts. C’est ainsi que les journaux ont subi des procès et que des décrets ont été promulgués afin de mettre des bâtons dans les roues dans leurs croissances. 
À cette époque, en Angleterre et Aux États-Unis, la création de journaux de masse devient très chère, et les différents lobbyings cherchent à acquérir des titres. L’émergence de la radio et de la télévision ne changent pas beaucoup la règle, la strate supérieure cherche à partager l’achat de titres et de compagnies en vue de contrôler l’information. Le gouvernement est totalement complice, surtout les dirigeants des groupes étaient des fonctionnaires d’État et sa force de posséder une bonne partie du marché de la publicité, en plus, les groupes qui possèdent les différents médias sont aussi actionnaires dans d’autres business comme General Electric. Les médias occupent une partie du marché et l’information doit être contrôlée afin de servir les intérêts des propriétaires et leurs complices : le gouvernement et les publicitaires. 
Par ailleurs, le rôle du journaliste est de diffuser les informations reçues, cependant, les propriétaires ont des experts qui filtrent les informations avant même d’arriver aux journalistes, d’ailleurs les grandes agences de presse telles que : Associated Press (AP) et Agence France-Presse (AFP) et bien d’autres sont des agences privées ou semi-privées qui partagent le contrôle avec l’État. Ainsi, bien que le journaliste soit intègre, les informations reçues ont déjà été filtrées par les experts. 
Pour la strate supérieure, l’information est une marchandise monnayable sur le marché, elle doit être rentable aux propriétaires et actionnaires. La concurrence est donc rude entre les différents médias afin de gagner plus.
Herman soutient cette idée, pour lui, les médias s’appuient fortement : sur le gouvernement et les grandes entreprises en tant que sources d’information, sur des considérations économiques et politiques et, souvent, sur des intérêts qui se chevauchent. La solidarité est forte entre le gouvernement et ses alliés les médias, leur but est de passer leurs intérêts avec le consentement de la masse.

II)            Poids de la publicité

Aux premiers temps, la survie des journaux était basée sur leur vente, leur extension rapide dans la société. C’est ce qui a attiré la strate supérieure qui a opté pour les annonces dans les journaux dont ils sont rapidement devenus les sponsors. Cependant, les journaux qui ne trouvent pas assez de publicités finissent par mettre la clé sous le paillasson. C’est le cas des journaux qui défendent la classe ouvrière. En effet, ils se retrouvent sans publicité, bien qu’ils aient des millions de lecteurs, et ferment, car les personnes qui lisent ce genre de journaux ne possèdent pas assez d’argent pour acheter leur journal préféré tous les jours. C’est une sorte de discrimination par la strate supérieure, Au fil du temps, tous les médias deviennent les esclaves des sponsors, alors les publicitaires, qui ont les moyens, sont ceux qui donnent vie aux médias. Pour cette raison, ces derniers essaient de trouver des annonces afin de continuer à rester sur le marché et de faire des profits, car à l’instar de ce qui est écrit ci-dessus, le but des médias est d’être rentable. 
Par ailleurs, les médias qui diffusent des reportages, des documentaires et qui publient des articles qui ne sont pas au goût des sponsors, ils seront châtiés et discriminés, en conséquence, ils ferment ou ils reçoivent un ultimatum afin de ne plus répéter cette erreur. 
Pour Herman, le secteur du journalisme professionnel intègre certaines des valeurs commerciales que les propriétaires des médias s’approprient, comme s'appuyer sur des sources officielles peu coûteuses en tant que source d'information crédible. Cependant, les journalistes essaient d’informer les citoyens sur certains évènements, même si leur impact reste infime et ne touche pas les intérêts des annonceurs.  

III)          Poids de sources gouvernementales et des expertes des pouvoirs  

Le gouvernement est la première source d’informations, telles que l’armée et la bureaucratie de l’administration. Ces composants de l’État sont des sources crédibles pour les médias, bien qu’elles possèdent elles-mêmes des magazines, des journaux, etc. 
De plus, la relation entre les médias et ses sources est basée sur des intérêts réciproques et commerciaux. Le gouvernement emploie les journaux qui seront en quelque sorte ses porte-paroles. Les médias aussi comptent sur le gouvernement pour avoir des informations variées, comme celles internationales, car cela reviendrait moins cher que d’avoir des correspondants partout dans le monde. Donc le gouvernement est la première source d’information, mais aussi les privés peuvent produire de l’information, surtout les grandes entreprises. 
Cependant, la production de l’information doit être rentable et fiable afin que le gouvernement puisse contrôler les médias et fasse passer son message. Ainsi, la relation entre l’État et les médias est une corrélation publique et de propagande.
Ainsi, le gouvernement prévoit un budget de millions de dollars pour distribuer ses informations filtrées, et l’ironie est que ce sont les citoyens qui paient cet argent pour se faire endoctriner. C’est-à-dire, les contribuables participent à la propagande de leur gouvernement contre eux-mêmes, c’est là le génie du système. En plus, les médias privés recrutent des experts pour travailler à leur compte qui, en fin de compte, reproduisent la version officielle de l’information venue du gouvernement. 
Herman prétend que les médias et les journalistes induisent souvent en erreur la population : certains interprètent sans doute une ligne de propagande comme étant vraie, d'autres peuvent savoir qu'elle est fausse, mais le point est inconnaissable et sans importance. Cela dit, les journalistes reproduisent les informations venant du gouvernement.  

IV)          Contre-feux et autres moyens de pression

En fin de compte, le gouvernement emploi tous les moyens pour avoir la main mise sur les médias. 

V)            L’anticommunisme

La pression sur les médias est une sorte d’épée de Damoclès dont le dernier filtrage est la compagne anticommunisme. Le gouvernement, soutenu par le milieu des hommes d’affaires, attaque n’importe quelle personne ou clan qui soutient le communisme, car ce dernier est dangereux pour leurs affaires et pour le système capitaliste. Par ailleurs, le gouvernement peut même justifier une attaque à l’extérieur du pays contre le communisme. L’emploi de ce terme pousse les médias à suivre les pas du gouvernement. En effet, il est impossible de rester neutre ou sans réaction devant un acte gouvernemental contre le communisme. Bien que ce dernier ait presque disparu après la chute de l’Union soviétique, néanmoins, les Conservateurs, très souvent, l’utilisent en accusant les Démocrates d’être procommunistes. Comme Barack Obama, l’ancien président américain, qui a reçu des tonnes d’accusations de toutes sortes dont celle d’être un socialiste.
Herman appuie cette idée, pour lui les médias sont également contraints par l'idéologie dominante qui a fortement mis en avant l'anticommunisme avant et pendant l'ère de la guerre froide, d’ailleurs elle s’est souvent mobilisée pour amener les médias à soutenir ou à s'abstenir de critiquer les attaques américaines contre de petits États étiquetés communistes comme (Cuba).

\\Critique

Chomsky applique ce modèle de la propagande sur des effets concrets. En effet, en appliquant les cinq filtrages sur des effets concrets, le résultat montre que toute information basée par les filtrages trouve son chemin aux médias, car elle répond aux intérêts de la strate supérieure et de l’État. Par ailleurs, de nombreux sujets ne sont pas débattus par les médias, tels que : le budget de l’armée, l’industrie pharmaceutique et la sécurité sociale et l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA) et bien d’autres, car le débat ouvert sur ces sujets est contre les intérêts du milieu d’affaires et du gouvernement. Il y a des contrats et de grands marchés d’armement et de médicaments qui nuisent à la propagande menée par l’État et ses alliés si quelqu’un ouvre le débat sur ces sujets. Néanmoins, l’attaque contre le communisme reste vivante, elle reste dans la cour arrière du gouvernement afin de l’utiliser le moment précis contre les adversaires politiques et de la surconsommation du marché. Même la nouvelle technologie : l’Internet accorde à l’État et à la strate supérieure une nouvelle arme afin de passer leur propagande et de contrôler davantage les médias. Ainsi, avec la rapidité des communications à travers les réseaux, il est très facile de les bombarder avec un flou d’informations pour décrédibiliser des articles diffusés contre les intérêts de l’État et de ces alliés. C’est pour quoi le lecteur n’arrive pas à saisir l’information, alors il s’oriente vers les grands médias qui en réalité appartiennent aux groupes liés à l’État. Pire encore, les médias établissent sur les réseaux des catégories d’âge pour cibler par leurs publicités un public précis et par conséquent augmenter leur rentabilité.
D’ailleurs, Herman soutient que le gouvernement possède la capacité d’influencer, sur plusieurs niveaux, de puissantes entités commerciales et collectives pour exercer son pouvoir et mener les médias à ses buts. En plus, les cinq facteurs de filtrage agissent comme des  catalyseurs  par lesquels l'information doit passer et qui influencent considérablement les choix des médias, individuellement, et souvent de manière cumulative.
Bien que le modèle de propagande ait été généralement bien accepté à gauche, cependant, certains sceptiques n’y adhérent toujours pas. 
Par ailleurs, Herman pense que le modèle de propagande peut aider les activistes à comprendre où ils pourraient le mieux déployer leurs efforts pour influencer les médias. C’est-à-dire le modèle de propagande peut être une alternative afin de diminuer l’influence des médias de la strate supérieure. En général, les médias traditionnels, en tant qu'institutions d'élite, orientent les informations et les débats selon ses intérêts. En effet, le modèle de la propagande a une efficacité limitée, surtout sur le plan international où le gouvernement distribue les informations qui servent sa politique et les médias dans ce cas manquent d’informations et de sources, notamment le citoyen s’intéresse plus à la politique intérieure, qui est très peu analysée dans les deux textes.
En sus, le communisme est presque inexistant après l’effondrement de l’Union soviétique, le grand pays communiste qui est La Chine pratique le capitalisme économique, le marché libre en conservant sa politique d’uni-parti pour gouverner. 
En revanche, le terrorisme, un nouveau terme, émerge depuis l’attaque terroriste contre les États-Unis en 2001par un groupe radicale islamiste, ce nouvel ennemi inonde les médias, et donne aux grandes puissances la légitimité d’accuser un pays de terrorisme afin de mener une guerre et faire des médias l’instrument fatal pour mener cette propagande comme ce fût le cas de la guerre contre l’Irak en 2003.
Le modèle de la propagande fondé et défendu par Chomsky et Herman reste une hypothèse à développer pour qu’elle soit employée mondialement, sans oublier que Chomsky est un penseur qui est décrit comme un anarchique, un procommuniste par ses adversaires, cette description peut nuire la crédibilité de cette proposition pour décrypter la propagande. En sus, le gouvernement, derrière cette propagande, sont les États-Unis et l’Angleterre cités pour des effets historiques, cela dit le modèle vise de plus les É-U.
D’ailleurs Chomsky écrit dans son livre Propaganda: « la propagande dans les pays démocrates égale à la matraque dans les pays autoritaires. »  Dans ce cas, il existe plusieurs propagandes dont celle qui se trouve aux États-Unis. En fin de compte, il est difficile d’ôter l’idée, selon certains penseurs, qu’il y a toujours un complot ou une conspiration dans une théorie comme celle qui est proposée par Chomsky et Herman. 
En fin de compte, après décryptage, le modèle de la propagande est : de fabriquer l’opinion de masse et de falsifier l’histoire pour la duper, les relations publiques sont là pour contrôler l’opinion publique et finalement de filtrer l’information pour qu’elle ne soit plus neutre. C’est le résumé de ce modèle qui devient en réalité contre l’âme de la démocratie, car lorsqu’il s’agit des questions politiques fondamentales, les journalistes s’accordent aux intérêts de l’élite et évitent de contrarier les pouvoirs établis. En sus, les médias commerciaux remplacent au fur et à mesure les médias traditionnels afin que le consommateur ne soit plus capable d’interpréter les affaires publiques ou politiques[1].  
Pour finir Herman dit : « Le modèle de la propagande peut résumer les médias avec une phrase : un système de marché guidé. [2]»
Il faut le reconnaitre qu’il y a une complicité entre le gouvernement et les médias afin de duper les citoyens qui restent les victimes sans le savoir. Chomsky en bouclant ce rapport est plus proche de la prédiction de George Orwell dans son roman célèbre intitulé: 1984 ou le Big Father surveille tout le monde à travers l’instrument de sécurité qui est à notre époque la propagande, celle qui oriente le peuple vers la volonté de l’État et de ses alliés.

Bibliographie

Livres

Chomsky, Noam & Hedward, Herman. La fabrication du consentement De la propagande 
               médiatique en démocratie. Marseille : édits., Agone.
Chomsky, Noam & Robert, W. Mcchesny. 2004. Propagande, médias et démocratie
                Montréal : édits., Écosociété.
Chomsky, Noam.2002. Propaganda. France : édits., du Félin.
  Site Web
Edward S. Herman. 2010. The Propaganda Model: a retrospective. En ligne:
 https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/146167000361195 lien consulté le 18 septembre 2019. 

 Les deux auteurs 
Noam Chomsky (1928 -...) est un universitaire américain de réputation internationale. Influencé par la gauche, ses analyses sont basées sur des tendances socialistes, il est considéré par certains comme un penseur antisystème. 
En revanche, son collègue, Edward S. Herman (1925 - 2017) est un économiste américain qui s’intéresse à l’observation des médias.  Il a de nombreux écrits dont un avec Chomsky.  Cependant, son essai écrit avec le journaliste américain David Peterson intitulé : Génocide et propagande, l’instrumentalisation politique des massacres, montre qu’il est une personne engagée ; surtout à travers ses analyses sur la façon d’aborder le génocide dans les médias.



   






[1] Chomsky, Noam & Robert, W. Mcchesny. 2004. Propagande, médias et démocratie. Montréal : édits., Écosociété.
[2] Chomsky, Noam.2002. Propaganda. France : édits., du Félin.

mercredi 11 mars 2020

L'Afrique est détenue par les donateurs occidentaux.


Lorsque les États africains ont accédé à l’indépendance, l’espoir est né parmi les peuples et les leaders de l’indépendance de différents pays de construire des pays : libres, forts, prospères et bien développés.
Deux décennies après l’échec du développement, de l’implantation de l’autoritarisme et de l’émergence du régime du parti unique…des mécontentements massifs ont émergé dans une Afrique qui souffre à cause de ses dirigeants.
En effet, à la fin de la décennie des années 80, la troisième vague démocratique débarque en Afrique afin de mettre en œuvre le changement voulu par les populations africaines, une ère démocratique, de liberté et en adéquation avec leurs volontés.
Deux articles traitent de la démocratie en Afrique postcoloniale afin de mettre la lumière sur ce qui s’est passé à l’aube et après le passage de la troisième vague de démocratisation venue après la Deuxième Guerre mondiale.
Par: Adam Mira

Le premier article extraversion, vulnerability to donors and liberalization des auteurs Caryn Peiffer et Pierre Englebert analyse la relation entre l’extraversion et les donateurs étrangers, cette relation qui a un impact sur la démocratie et sur sa consolidation en Afrique subsaharienne. Il touche aussi deux périodes : la première entre 1989-1995 et la deuxième entre 1995-2001.
L’hypothèse de cette étude est que : lorsqu’un portefeuille d’extraversion d’un régime est plus dépendant des donateurs étrangers, le régime contrôle moins les options de son portefeuille et il est plus susceptible d'être vulnérable aux donateurs. Cependant, lorsque le régime africain possède des ressources naturelles, son portefeuille d’extraversion est plus contrôlé et sa dépendance vis-à-vis des donateurs est moins importante
En revanche, le second Africa uprising, Popular protest and political change des auteurs Adam Branch et Zachariah Mampilly analyse la situation en Afrique après la vague de démocratisation des années 80en ce qui concerne la réforme timide exécutée dans le tiers des pays africains face à la marée humaine des populations qui manifestaient contre l’austérité imposée par les donateurs étrangers et la limitation de la réforme.
L’hypothèse de l’article se concentre sur :
- La manière dont les mouvements de protestation qui ont motivé la transition ont été constitués.
 La manière dont les dilemmes internes et externes auxquels ils ont été confrontés ont façonné leurs capacités à concrétiser efficacement leurs revendications ou à révéler de nouvelles possibilités politiques. 

·      Réussite ou pression étrangère

Selon Adam Branch et Zachariah Mampilly, les manifestants ont réussi dans certains pays africains à voir la lumière au bout du tunnel. En effet, des régimes sont tombés et ont accepté des changements. Cependant, la plus belleréussite vient du Bénin où la société civile et politique s’est entendue à organiser une conférence nationale qui contient tous les clivages de la société et qui a débouché sur un multipartisme afin d’élire un président démocratiquement et un parlement qui représentent le peuple béninois. 
Par contre, Caryn Peiffer et Pierre Englebert croient que c’est la France qui a accepté de payer les salaires des fonctionnaires de l’État béninois et qui a imposé des conditions afin de déclencher le processus de la démocratie. C’est-à-dire, un État qui a un portefeuille d’extraversion vulnérable accepte l’ingérence extérieure et il est tributaire desdonateurs. Et, lorsque l’État ne possède pas assez de ressources naturelles, il est faible et fragile face aux donateurs étrangers.

·      La démocratie au service des élites

Après l’indépendance, selon Adam Branch et Zachariah Mampilly, les dirigeants africains ont accordé des bourses d’études et des emplois aux Africains qui sont devenus la colonne verticale de la société civile et du régime aussi. Alors, l’État est devenu le grand employeur et il a une corrélation étroite avec ses employés. Cette formule est le contraire de ce qui se trouve en occident où les privés jouent un rôle majeur dans le développement économique. Par conséquent, pour rester au pouvoir, il faut avoir une corrélation étroite entre la société civile et la société politique. C’est ce rapport qui débouche sur la corruption et le clientélisme à l’image de l’Afrique postcoloniale. En sus du clivage dans la nouvelle Afrique entre les zones citadines qui profitent de la situation et les zones rurales qui sont loin du pouvoir central. Ainsi, les habitants quittent leurs villages dans le but de s’installer dans les zones urbaines en rêvant de sortir de leur pauvreté et de partager les miettes distribuées par le gouvernement afin d’acheter la paix sociale.  
En revanche, Caryn Peiffer et Pierre Englebert explique que la démocratisation initiale menée après la troisième vague a touché les pays africains. Cependant, les élites ont profité de cette vague pour rester au pouvoir et faire les équilibres entre leurs intérêts personnels et les intérêts des donateurs. Il faut noter trois groupes qui se sont composés à la suite de cette vague : 
-       Un groupe de pays libéraux (Botswana, Îles Maurice, Sénégal, Namibie et l’Afrique du Sud).
-        Un groupe de pays non libéraux (Angola, Burkina Faso, République centrafricaine, Tchad, Comores, Congo-Brazzaville, Éthiopie, Gabon, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Lesotho, Madagascar, Mauritanie, Niger, Tanzanie, Togo, Ouganda et Zambie. Depuis lors, le Ghana seul est devenu démocratique et, avec la Tanzanie, est l’un des deux seuls pays de ce groupe à montrer une amélioration après la transition initiale).
-        Un groupe de pays libres partiellement (Bénin, Cap-Vert, Malawi, Mali, Mozambique, Sao Tomé-et-Principe et les Seychelles) ces pays ont fait un grand effort pour cristalliser le saut vers la démocratie et garantir le processus vers un pays solidement démocratique.   
-       Un dernier groupe qui a une tendance similaire est visible dans la catégorie des pays qui n’affichent aucun changement net au cours de la période initiale (quelques-uns d’entre eux affichent un léger changement positif entre 1989 et 1992, suivi d’un renversement avant 1995). De manière générale, rien ne leur arrive par la suite non plus. Ces pays sont le Burundi, le Cameroun, le Congo-Kinshasa, la Côte d'Ivoire, Djibouti, la Guinée équatoriale, la Somalie, le Soudan, le Swaziland et le Zimbabwe !
Cela dit, il y a plusieurs Afriques, et chaque pays possède sa situation particulière, et chaque cas doit être étudié selon son expérience.  

·      Changer le changement

Après l’effondrement des États africains endettés, selon Adam Branch et Zachariah Mampilly, chaque composant de la société civile et de la société politique cherche à sauver ses intérêts. C’est le cas des étudiants, dessyndicats et surtout des ONG qui reçoivent leurs budgets des donateurs en prêchant la démocratie. 
Ces grands donateurs sont : la Banque mondiale et le Fonds monétaire mondial (FMI) qui imposent leurs conditions au régime menacé par les manifestants afin de donner à l’opposition un rôle dans le nouveau régime politique. D’ailleurs, van de Walle écrit : « plus de la moitié des nations d'Afrique subsaharienne étaient effectivement en faillite et la plupart des autres étaient soutenus par le capital public occidental ». 
La voie vers le pouvoir est alors libre pour les opposants qui emboitent le pas à l’ancien régime. C’est le cas du Niger, un exemple important d’une population qui s’est révoltée en 1990 contre le régime militaire au pouvoir depuis 1974 par un coup d’État. Le régime a profité durant deux décennies de la découverte de l’uranium. Il en a distribué les revenus aux citadins, aux syndicats et aux employés de l’État ainsi qu’aux étudiants, par contre les zones rurales ont été totalement négligées.  
Alors, les manifestations de 1990 ont débouché sur une conférence nationale (le Niger emboite le pas au Bénin). Après discussions et dialogues, le Niger organise des élections en 1993 auxquelles participent de multipartis et des soi-disant représentants de tous les clivages de la population. Finalement, la conférence nationale prend sa légitimité de la population sans rien changer, les participants à la conférence ont gardé leurs privilèges et les chefs des zones rurales ont conclu un accord avec l’État à Niamey pour garantir les votes des ruraux. Cependant, le clientélisme, la corruption, le régionalisme continuent et les gens disent : il faut changer le changement ! 
  Caryn Peiffer et Pierre Englebert soutient cette idée, les régimes hybrides qui profitent des ressources naturelles, leurs portefeuilles d’extraversion sont moins faibles devant les donateurs, ils possèdent un équilibre entre la demande des donateurs de démocratiser le pays et leurs intérêts de rester au pouvoir. En quelque sorte, ils instrumentalisent la démocratie et continuent de rester au pouvoir. Grâce à leur portefeuille d’extraversion contrôlé, ils arrivent à échapper à la pression occidentale, et ces régimes hybrides finissent par rester. 
En plus, un nouvel événement vient aider les régimes hybrides au détriment de la démocratie, c’est le déclenchement de la guerre contre le terrorisme après 2001, certains pays africains ont profité de cette situation pour ne pas démocratiser leur pays. C’est le cas de la Mauritanie qui a un problème avec les djihadistes, alors, elle reçoit l’aide des donateurs sans avoir de pression afin de changer de régime. Pour les dirigeants africains, il est toujours facile de trouver des justifications afin de rester au pouvoir en conservant leurs relations avec les donateurs.

·      Empirique et théorique       

Caryn Peiffer et Pierre Englebert présentent leur recherche en tant que la première qui étudie l’approche d’extraversion et sa relation avec les donateurs, ils arrivent à une théorie importante selon laquelle cette relation est corrélée à la situation du régime africain. En effet, si ce dernier manque de ressources naturelles, il est tributaire de donateurs et l’inverse est vrai.   
En revanche, il est nécessaire de parler de la particularité de la démocratie africaine, certains parlent de régime mixte ou hybride, d’autres d’un régime qui contient le moderne et la tradition. Adam Branch et Zachariah Mampilly écrivent : 
« La démocratie n’est pas seulement une question formelle de multipartisme ou d’institutions libérales. Au lieu de cela, la démocratie dans les contextes africains devrait impliquer une participation politique populaire basée sur un agenda national qui transcende les clivages entre société civile et société politique à la fois entre les zones urbaines et entre les zones rurales et urbaines. Sinon, même le programme de réforme le plus libéral restera essentiellement non démocratique. » 

La particularité de la démocratie africaine nous amène à comprendre la transformation graduelle de la société africaine avec, sans doute, la conviction qu’il y a des Afriques. 
Par ailleurs, Samuel Huntington écrit en 1984 que « à quelques exceptions près, les limites du développement démocratique avaient bien été atteintes », cependant, il n'incluait pas les pays africains parmi les exceptions probables. Car selon lui « La plupart des pays africains ont peu de chances, en raison de leur pauvreté ou de la violence de leur politique, d'aller dans la direction de la démocratie. » Il insiste aussi sur la particularité de l’Afrique : « Les causes de la démocratisation sont variées et leur signification dans le temps est susceptible de varier considérablement. » Une vision qui soutient la théorie que la démocratie est liée au revenu élevé par habitation.  
La vision sur l’Afrique est un peu pessimiste, comme le dit le politologue Giuseppe Di Palma: « L'Afrique dans son ensemble » doit être « sombre ». En plus, Richard Joseph écrit dans son article : Democratization in Africa after 1989 Comparative and Theoretical Perspectives « la tendance dans les États africains a pris la forme d'une compétition entre les communautés plutôt que des individus, des partis et des sous-unités administratives. » Même, il continue à critiquer la sévérité de la Banque mondiale et celle du FMI qui imposent des conditions sévères afin de démocratiser l’Afrique. Cependant, avec des conditions très sévères, les entreprises internationales perdent leur popularité et aussi les hommes d’affaires occidentaux quittent les zones pétrolières et les mines par peur de perdre leurs investissements. 
Dans tous les cas, les donateurs restent impopulaires lorsqu’ils imposent des conditions qui atteignent en quelque sorte à la souveraineté des pays. Bien que la démocratie à la manière occidentale soit acceptée dans certaines zones, cependant, il reste toujours une touche locale qui est ajoutée à cette démocratie qui vient de l’Europe. 
Par ailleurs, il est clair que les donateurs cherchent plus leurs intérêts qu’imposer la démocratisation d’un pays. Comme l’Union européenne qui veut avoir affaire avec l’Union du Maghreb arabe en tant qu’une seule unité économique sans dépenser beaucoup d’effort afin d’imposer un plan de changement démocratique, en quelque sorte l’économie est plus importante que la démocratie ! 

·      Critique

Caryn Peiffer et Pierre Englebert écrient que le président malien Moussa Traoré a quitté le pouvoir en 1991 sur la pression française, bien que Traoré soit très connu en tant qu’allié du régime algérien et qu’il reçoit de ce dernier un budget annuel. Par conséquent, la chute de Traoré est liée à cette époque à la situation algérienne précaire politiquement et économiquement. C’est ce qui a obligé le régime algérien à lâcher son allié, comme il a fait d’ailleurs avec le Polisario afin de signer un accord de cessé le feu avec le Maroc en 1991. 
Il est intéressant de signaler que les chercheurs basent souvent leurs recherches sur des théories, le travail sur le terrain leur manque, car la politique dans les pays en voie de développement se fait dans les coulisses, et il est très difficile d’analyser une situation par rapport à une théorie. Comme le cas du président malien Moussa Traoré qui aurait laissé son pouvoir sous la pression française après 22 ans de gouvernance, mais en fait se serait à cause du manque de ressources venant de l’Algérie. Par ailleurs, les académies militaires en Égypte, en Algérie et au Maroc reçoivent chaque année des dizaines d’étudiants africains qui seront un jour des généraux et des hommes d’État. Ces pays cherchent à influencer la décision africaine pour leurs propres intérêts comme le cas de la cause du Polisario et ce qui concerne le conflit sur l’eau entre l’Égypte et l’Éthiopie. 
Il est à noter que l’ex-président algérien Abdelaziz Bouteflika a effacé deux milliards de dollars américains de dette sur des pays africains, pour que l’influence algérienne sur l’Afrique reste forte, bien que cette décision soit violemment critiquée par le peuple algérien qui n’a pas l’habitude de faire la charité médiatiquement. 
Cependant, il reste devant l’Afrique un long chemin afin de se libérer, ensuite à accéder à la démocratie. Selon les deux articles étudiés de ce texte : neuf pays africains qui ont accédé à la démocratie après 1990 sont restés démocratiques. 23 autres pays sont partiellement libres et 16 autres non libres qui restent en général stables jusqu’en 2011.
Comme Larry Diamond écrit : le pouvoir des donateurs extérieurs est de faire pression pour des réformes à la fois économiques et politiques et qu’elles « n’était nulle part plus grandes qu’en Afrique ». De plus, le pouvoir de ces donateurs est « d'induire un changement démocratique ... par le biais de la conditionnalité de l'aide est directement proportionnel à la dépendance des bénéficiaires ou débiteurs de l'aide à leur égard et à l'unité de la communauté des donateurs. »

·      Conclusion

À l’aube de 2020 et après des décennies suite à l’indépendance des pays africains, le chemin reste encore très long vers la démocratie de ce continent. En effet, les défis sont nombreux : vaincre la corruption, éliminer les épidémies et la pauvreté, faire gloire à l’éducation, empêcher les jeunes gens négligés par tous les régimes de se jeter à la mer pour avoir un espoir de l’autre côté du continent et finalement donner au terme citoyen un sens pour que l’individu africain sente qu’il est un être humain à part entière.
Cette image sombre est le résultat d’une expérience amère sur le terrain, car les dirigeants dans le monde en voie de développement éduquent leur armée et leur police à mater la population qui est considérée comme le premier ennemi du pouvoir. Et, pour cette raisonla violence est extrême pendant chaque affrontement qui suit des élections. Certes, certains pays africains ont commencé leur libération et ont débouché sur une démocratie, mais ces démarches restent fragiles et pourraient subir une rupture inattendue par l’intervention d’une personne ambitieuse et ayant soif de pouvoir qui ferait basculer à nouveau le pays sous un régime totalitaire
L’Afrique est particulière et possède l’expérience pour fonder un régime harmonieux entre tradition et modernité. Certains islamistes algériens ont même proposé le terme shoracratie, c’est-à-dire le mélange entre la shora, le conseil musulman, et la démocratie européenne. 
Finalement, les pays qui sont sortis de leurs situations difficiles ont compté sur leurs peuples et leurs ressources, l’Afrique possède les ressources naturelles et humaines afin de se construire sans demander l’aide de personne, lorsque l’Afrique comprendra un jour cette équation, l’Afrique deviendra forte, libre, indépendante et surtout démocrate. 

Livres
Adam, Branch& Zachariah Mampilly. 2015. Africa Uprising: Popular protest and political change.               
                 London: édit. Zed Books, in association with International African Institute, Royal  
                 African Society, World Peace Foundation.
Harari, Yuval Noah. 2017. Homo deus, Une brèe histoire de l’avenir. Édit. Albin Michel.
Huntington, Samuel P. 2000. Le choc des civilisations. Paris : édits. Odilejacob.  
Gazibo, Mamoudou et Céline Thiriot (sous dir.).2009. Le politique en Afrique. État des débats et 
               pistes de recherche. Paris : édits. Karthala.

Articles
Peiffer, Caryn & Pierre Englebert.2012. Extraversion, vulnerability to donors, and political liberalization in 
                Africa. African Affairs, Volume 111, Issue 444, July 2012, Pages 355–378, 
                 https://doi.org/10.1093/afraf/ads029
Joseph, Richard.1997. Democratization in Africa after 1989: Comparative and Theoretical Perspectives
               Comparative Politics. Vol. 29, No. 3, Transitions to Democracy: A Special Issue in Memory of 
               Dankwart A. Rustow (Apr., 1997), pp. 363-382. https://www.jstor.org/stable/422126