jeudi 30 novembre 2017

Lumière et obscurité


Par: Adam Mira
Dans le dialogue quotidien, l’homme utilise la vue comme une façon de comprendre, cela dit : regarder pour comprendre. D’autres pratiquent le sens de vue par un aspect d’étonnement : voyons, cependant, la vue reste depuis toujours liée à la compréhension. Et toutes les langues dont la langue française contient de nombreuses expressions liées à la vue : vu que, point de vue, vue d'ensemble, en vue de, en vue, à première vue, prise de vue, lunettes de vue, vue panoramique, perdre de vue, certaines de ces expressions dépendent de vue comme l’œil qui voit, d’autres les relatifs à la pensée, à la compréhension, bien que nombreuses personnes pensent que la vraie vue, ce qui est de vue du cœur. Comme l’aveugle qui voit à sa façon, bien qu’il soit privé de la vue de ses yeux. Cette théorie qui parle de l’interprétation de la vue existe depuis longtemps, même avant l’ère commune.
La signification du thème de la vue utilisé dans Œdipe Roi joue un rôle décisif dans la compréhension de ce texte littéraire, et peut révéler plusieurs acceptions afin finalement saisir le dessin de l’auteur d’avoir servi de ce thème dans sa rédaction.
La vue dépend en général de la lumière (le jour) et la cécité de l’obscurité (la nuit), l’apparence en tant qu’un aspect extérieur et la substance comme une allure intérieure. Dans ce cas, une question se pose : l’apparence dépend-elle des yeux ou du cœur?
Dieu prétend que le cœur est la source du mal, par conséquent, les yeux sont la source de bien ou de compréhension, cela dit que la vue dépend d’aspect positif pour l’homme, mais quelle vue?   
 Une discussion de rapprochement entre Tirésias, le sage aveugle, et Œdipe. Le premier pense que le deuxième l’accuse d’être aveugle qui ne voit rien, le premier répond à cette accusation que le deuxième voit avec ses yeux, cependant il ne voit pas la misère qu’il le frappe.
« Tirésias : ... Tu me reproches d’être aveugle; mais toi, toi qui y vois, comment ne vois-tu pas à quel point de misère tu te trouves à cette heure? Et sous quel toi tu vis, en compagnie de qui?... Il y voyait : de ce jour il sera aveugle… »
D’ailleurs, la perte de vue de Tirésias n’est pas venue avec sa naissance, au contraire, il perd la vue à cause de ces rencontres avec les dieux. Selon la mythologie grecque, il y a plusieurs versions, comment Tirésias a-t-il perdu la vue, une de ces versions, Zeus en rage contre Tirésias qui a pris le côté de Héra et le condamne à la cécité : 
« …condamna les yeux de son juge à des ténèbres éternelles.[1]»
La perte de vue est liée selon la mythologie hellénique à l’obscurité, cependant, cette liaison parle de l’apparence et de l’allure, c’est-à-dire que l’interprétation de cette citation ci-dessus explique que le personnage qui devient aveugle est condamné à l’obscurité éternellement, il n’arrive pas à distinguer les choses !
Le sage Tirésias sait très bien de quoi il s’agit de la perte de vue, il essaie d’expliquer à l’Œdipe que l’apparence n’est pas liée à la vue, dans la discussion entre les deux hommes, nous distinguions deux niveaux de compréhension, un celui de Tirésias l’aveugle qui voit et l’autre est de Œdipe le voyant qui ne voit pas ou plutôt qui refuse de voir, c’est-à-dire il est impossible de comprendre la parole de Tirésias, à cause de différents degrés d’interprétations de la vue, par conséquent, le dialogue entre le sage et Œdipe se noircit, voire plus vulgaire.
Œdipe accuse de Tirésias de stupidité bien qu’il soit le contraire avec les géniteurs de Œdipe, dans ce cas, il est presque difficile à mettre la lumière sur un aspect à un homme qui ne voit que l’apparence du sujet.
« Œdipe : pouvais-je donc savoir que tu ne dirais que sottises? J’aurais pris sans cela mon temps pour te demander jusqu’ici.
Tirésias : Je t’apparais donc sous l’aspect d’un sot? Pourquoi étais-je un sage aux yeux de tes parents? »
Le roi cherche ce qu’il veut concrètement, il ne voit pas plus loin de son nez, il n’arrive pas à résoudre l’énigme de parole de Tirésias, il ne lit pas, ni entre les lignes ni la métaphore des mots, il est aveuglé par sa recherche à trouver l’homme qui serait susceptible à répondre à ses préoccupations. Cependant, le sage Tirésias insiste et essaie encore une fois de mettre la lumière sur la situation accablante devant le roi, mais en vain.
« Tirésias : … on le croit un étranger, un étranger fixé dans le pays : il se révélera un Thébain authentique-et ce n’est pas cette aventure qui lui procurera grand-joie. Il y voyait; de ce jour il sera aveugle; … »  
Bien que Tirésias ait essayé d’expliquer au roi la situation et de le pousser à chercher la vérité plus loin de son nez, Œdipe saisit finalement la vérité. À un moment donné, il comprend ce qu’il a fait à ces parents, il saisit l’atrocité de ses actes, par conséquent, il commence à voir, cependant, il ne voit qu’une seule solution afin d’être purifié de ce qu’il avait fait. Il se crève les yeux et à ce moment-là, il saisit la vérité, voire il comprendre que l’aveugle Tirésias voit et lui qui est devenu aveugle voit aussi, le rôle se renverse.
Œdipe qui voyait ne comprenait pas sa situation et lorsqu’il perd la vue, il comprend tout. La combinaison de la vue change.
Les choses dont le roi voit, elles se trouvent dans une optique différente de celle qu’il voit avec ses yeux comme tout le monde. Il devient comme le sage aveugle Tirésias qui voit les choses dans une vision bien différente de celui qui possède des yeux, en réalité, c’est le moment fatidique pour Œdipe afin de comprendre la parole de sage aveugle et voit sa posture dans une vision bien différente.
Œdipe : Ah! ne me dis pas que ce que j’ai fait n’était pas le mieux que je pusse faire! Épargne-moi et leçon et conseil!... Et de quels yeux, descendu aux Enfers, eussé-je pu, si j’y voyais, regarder mon père et ma pauvre mère, alors que j’ai sur tous les deux commis des forfaits plus atroces que ceux pour lesquels on se pend? Est-ce la vue de mes enfants qui aurait pu m’être agréable? Des enfants nés comme ceux-ci sont nés! Mes yeux à moi, du moins ne les reverront pas, non plus que cette ville, ces murs ».

L’interprétation de la vue dans la mythologie grecque contient des allégories et des métaphores. Elle nous guide en effet à comprendre ce thème dans plusieurs sens, et de regarder les choses dans une optique différente.
Pour finir, il est clair que le thème de la vue dans Œdipe Roi n’est pas liée à un organe qui est les yeux, cependant l’homme peut voir à travers d’autre optique dépendamment de son âme ou son esprit. Bien que le cœur qui contienne des sentiments peut aider l’aveugle à voir où se trouve la vérité. Si Dieu prétend, selon la Bible, que le cœur est la source du mal, l’homme croit au contraire que le cœur peut servir comme une optique à comprendre la vérité, bien évidemment que chacun d’entre nous possède sa vérité.       A.M

vendredi 17 novembre 2017

Éric-Emmanuel Schmitt à la rencontre des étudiants libanais

J’aime bien lire l’écrivain français Éric-Emmanuel Schmitt, il est actuellement au Liban, il a fait une rencontre avec des étudiants du pays, alors je vous invite à parcourir cet article.               Adam Mira  

SALON DU LIVRE

C'est pour mieux connaître l'homme, qui se cache derrière l'un des auteurs francophones contemporains les plus lus au monde, qu'une rencontre informelle a eu lieu au Salon du livre de Beyrouth, entre l'écrivain et des étudiants de l'USJ.
18/11/2017
Quand il parle de la passion qui l'habite depuis l'âge de 11 ans, il y a beaucoup d'humanisme dans sa voix et son regard. Dramaturge, nouvelliste, romancier et réalisateur, Éric-Emmanuel Schmitt manipule les mots et les idées avec un réel talent littéraire. Menant de front plusieurs activités, il se consacrera à l'écriture cinématographique et théâtrale et deviendra même comédien dans ses propres pièces. Répondant aux questions des étudiants soucieux de connaître son rapport à la philosophie et à l'écriture, il répondra que « c'est cela qui l'a sauvé en lui apprenant à être lui-même et à se sentir libre ».
« L'écriture, pour moi, est un territoire de découverte, d'exploration et d'interrogation. Et c'est cet espace-là que je voudrais partager avec mes lecteurs », annonce-t-il. D'ailleurs, il avoue avoir plus l'impression « d'être un script qu'un créateur, d'écouter, de regarder, de découvrir, que de créer et d'inventer ». Écrit-il pour écrire ? « Non », répond-il. Il n'écrit pas pour dire ce qu'il pense, mais pour explorer et découvrir ce qu'il pense. « Quand tout est mûr, je m'installe à ma table, je pose mes pensées dans mes récits et je les partage avec mon lecteur ! » Il avoue aux étudiants « ne pas se mettre dans la peau de ses personnages pour pouvoir découvrir tous ces mystères » qu'il mentionne et précise qu'ils sont « déjà là, qu'il se penche, les écoute, les saisit et leur obéit ». Il les laisse alors s'emparer de lui et les transcrit sur son papier.

Des auteurs qui ont influencé son écriture, il nommera Diderot « parce qu'il écrit de la philosophie sous une forme non philosophique », reprenant ses anecdotes dans ses récits, ainsi que Romain Gary, qui a « osé charger ses textes d'émotions comme peu de gens dans la littérature le font ». Et comme il est intellectuel de formation, il avait peur des émotions et des sentiments, et Gary a été salvateur.

Mozart partout

Il se lance alors dans des thèmes essentiels, parle de l'amour comme « un sentiment très lucide, qui commence lorsque la sexualité s'en va ». « Souvent, on aime beaucoup plus quand le désir sexuel ne s'en mêle pas. À ce moment-là, on est dans la dimension du respect absolu et de la préférence de l'autre. » Il considère le pardon, dans son dernier roman La vengeance du pardon, comme « la forme la plus raffinée de la vengeance », et parle de deux genres de pardon : le pardon volontaire et le pardon émotionnel, le pur et l'impur. « Mais dans les deux cas, c'est un acte très noble qui ouvre la vie ensemble et l'avenir. » Lorsqu'on lui demande si Dieu existe, Éric-Emmanuel Schmitt sourit et répond : « Je ne sais pas, mais je crois que oui ! » D'ailleurs il se déclare « agnostique croyant », qui est passé de l'athéisme à la foi après avoir vécu une nuit de feu mystique, chargée de rencontres, seul, dans le désert du Sahara en 1989. Mais lorsqu'il écrit, il y a toujours, d'un côté la raison qui parle, et de l'autre le cœur. « Dans le domaine de la foi, la raison n'a rien à dire. Dieu n'est pas un objet de connaissance, il n'est pas un objet de savoir. Si je laisse parler le cœur, oui, je crois en Dieu. Si c'est la raison qui parle, alors je crois que je doute ! »
Visiblement ému lorsqu'une étudiante lui demande « ce qui fait de lui l'homme profond et sensible qu'il est aujourd'hui », Éric-Emmanuel Schmitt répond qu'il « croit en l'homme malgré tous ses travers et essaye de chercher la lumière humaine qui se trouve en chacun ». « Victor Hugo dit : "Dieu est à faire !" et je crois que l'homme est à faire également, parce que l'humanité est un projet de l'homme pour l'homme. C'est une conception, un idéal sur lequel on peut avancer. » Et à la question de savoir pourquoi la plupart de ses pièces de théâtre se déroulent au XVIIIe siècle avec l'esprit du XXe, il répond que c'est « pour l'air de la chanson », de la musique, de la langue que dégage ce siècle, comme disait Proust. Une période qui permet de faire des phrases qu'il n'aurait pas pu faire s'il plaçait l'action au XXe siècle, faisant allusion à Mozart qui, pour lui, est son dieu, un écrivain, un musicien et qui est présent dans quasiment tous ses livres. Et lorsque les étudiants traducteurs ont voulu savoir si un livre traduit pouvait transmettre l'âme et le vrai sens écrit, il répondra qu'il faut savoir « aller au-delà des mots, écouter la musique que le texte dégage, ce qui n'est pas toujours évident, car certaines langues ne s'y prêtent pas, occultant la finesse et le sens qui s'y cachent »

Pour lire le texte sur le site d’origine :




Dante le poète héros

Par Adam Mira
Georges Lukacs dans son livre « La théorie du roman » considère Dante comme l’écrivain qui a ajouté de nouveaux aspects à la littérature, et son œuvre « La comédie devine » a donné aux héros de différentes dimensions.
 « …Dante oppose la hiérarchie des postulats satisfaits, de même que lui seul n’a pas besoin que son héros soit une figue suprême de la société ni que son destin conditionne celui d’une communauté, car le vécu de son héros est l’unité symbolique de la destinée humaine tout entière. »


 Par ailleurs, Dante dans son chef-d’œuvre « La comédie devine » fait une écriture nouvelle qui est entre l’épopée et le roman, même il fonde une clôture entre les deux genres afin finalement de créer un genre totalement nouveau dans la littérature.
En effet, pour écrire, nous avons besoin d’une langue qui sera capable de refléter notre pensée, nos préoccupations, nos souhaits, etc., c’est le cas de Dante, de son époque, qui a, sans doute, su ou lu les tentatives de certains érudits essayant d’ajouter leurs empreintes dans la langue, afin que Dante finalement fasse un saut et crée une langue ou a priori organise la syntaxe.
En dessein d’implanter sa vision dans la littérature, Dante fonde dans sa merveille « La comédie devine » des nouvelles règles basant sur la liaison entre l’auteur et le principal personnage des œuvres à travers l’écriture qui mélange le réel avec l’imaginaire, le passé avec l’avenir.
Dans un texte épique rempli d’allégories, de symboles et de métaphores, Dante nous ouvre un pèlerinage trilogie : l’Enfer, Purgatoire et Paradis qui est, dans quelques sortes, l’épopée du christianisme.   
L’auteur qui vit en exil et loin de sa ville natale à cause du conflit entre les Noirs et les Blancs, il choisit sa plume afin d’écrire ou plutôt finir son œuvre « La comédie devine » qui est pour lui une comédie et non une fiction, cela dit une réalité qui raconte l’histoire du christianisme. Le poète ne cherche pas seulement de se venger, mais a priori il veut trouver la langue avec laquelle peut sortir ce qui est dissimulé.
Dante fait un mélange bien construit entre le passé qui le convoque dans son poème afin de raconter l’Histoire, les trois instruments de son récit sont : sa plume, Virgile et Béatrice. Cela dit qu'une langue riche qui doit être l’élément de description avec lequel le poète veut écrire. Virgile, le grand poète de l’ère romaine, sera son guide pendant le voyage en Enfer et Béatrice, son pur amour, la fille qui est partie jeune dans l’au-delà, ayant la pureté pour être son guide au Paradis qui est consacré au croyant du Christ.  
L’auteur dans son œuvre veut insister sur son autorité et son rôle en tant que le protagoniste de cette épopée. Il l’écrit à l’âge de 35ans (au milieu du chemin de notre vie), coïncide avec la période de son voyage à Rome, aussi au moment du grand Jubilé institué par le pape Boniface VIII, en inspirant encore de prophète Isaïe. Cependant, malgré la période festivalière pour l’Église avec le pontife, qui possède deux chapeaux : religieux et politique, Dante vit à l’égard de la société dans son exil à cause des erreurs. D’ailleurs, il raconte l’histoire à la première personne, il veut dès le début montrer son autorité et sa personnalité principale dans le roulement de sa comédie, bien que sa pensée et ses idées ne soient pas claires à cause de son instabilité.  
Au milieu du chemin de notre vie,
je me retrouvai par une forêt obscure
car la voie droite était perdue.
Ah dire ce qu’elle était est chose dure
cette forêt féroce et âpre et forte
qui ranime la peur dans la pensée!
Elle est si amère que mort l’est à peine plus;
mais pour parler du bien que j’y trouvai;
je dirai d'autres choses que j’y ai vues.

Bien que Dante soit dans l’inquiétude et l’isolement, il garde son orgueil et sa fierté devant les êtres horribles qu’ils commencent à apparaitre devant lui dans son voyage.
…. Mais non pas tant que la peur ne me vit
à la vue d’un loin, qui m’apparut.
Il me semblait qu’il venait contre moi
la tête haute, plein de faim enragée;
on aurait cru autour de lui voir l’air trembler.

Lorsque Dante rencontre Virgile, le ton change, l’angoisse part et la voie sourit, car ce poète est une légende de l’empire roman qui raconte des mythes au Moyen-Âge. Sa figure représente alors celle d’un sage, expert en arts magiques, doué du don prophétie, chantre des morts. Au point de vue de Dante, Virgile est aussi allégorie de la raison humaine et poète de l’autorité impériale. D’ailleurs, les premiers chants de la Comédie, il est autant le maître de poésie et le grand sage. L’auteur s’incline alors devant Virgile pour qu’il soit son maître et son guide.  
« Es-tu donc ce Virgile et cette source
qui répand si grand fleuve de langage?»
lui répondis-je, avec la honte au front.
« O lumière et honneur de tous les poètes,
que m’aident la longue étude et le grand amour
qui m’ont fait chercher ton ouvrage.
Tu es mon maître et mon auteur
tu es le seul où j’ai puisé
           le beau style qui m’a fait honneur.  

Quoique Virgile soit païen, il est le guide de Dante pendant son premier voyage en Enfer, le poète qui a marqué l’histoire de l’empire roman restant héros de tous les temps. Dante qui est le croyant et veut écrire à sa manière l’histoire de l’église, il prend son monteur afin de franchir le cercle de l’Enfer. De toute manière, Dante veut exposer que le poète reste le protagoniste de tous les temps païen ou non païen. 
Et moi, à lui : « Poète, je te prie,
par ce Dieu que tu n’as pas connu,
pour que je fuie ce mal et pire,
en sorte que je voie la porte de saint Pierre
et ceux que tu décris si emplis de tristesse. »
Alors il s’ébranla, et je suivis ses pas.


Avec l’aide de son maître païen, Dante vient de réécrire l’histoire à travers l’Église, cependant, il pense que les personnes qui sont nées avant l’arrivée de la deuxième révélation ne méritent pas d’être condamnées, car elles possèdent l’esprit de la chrétienté avant sa parvenue, d’autant plus Virgile est parmi eux, alors comment un sage et poète peut-il déposséder d’être sauvé par le Christ?
Mon bon maître me dit : « Tu ne demandes pas
quels sont les esprits que tu vois?
Or je veux que tu saches, avant d’aller plus loin,
ou’ils furent sans péchés; et s’ils ont des mérites,
cela ne suffit pas, sans le baptême[1],
ils n’adorèrent pas Dieu comme il convient :
je suis moi-même un ceux-là.
Pour un tel manque, et non pour d’autres crimes,
nous sommes perdus, et notre unique peine,
              est que sans espoir nous vivons en désir. »

            Avec un poète braillant et hors de commun, il trouve la solution pour sauver l’humanité grâce au Christ, sans le nommer par son nom en Enfer, et qui descendit dans le règne des damnés entre sa mort et sa résurrection, Jésus apparait dans le récit comme le sauveur des anciens, les prophètes de Testament Abrahamique afin qu’ils soient avec lui. Cette apparence est une déclaration de l’alliance par Jésus, le prophète de la paix, afin de sauver ses aïeux.
Et lui, qui entendit mes paroles couvertes,
me répondit : « J’étais nouveau dans cet état
quand je vis venir un puissant,
que couronnait  un signe de victoire.
Il tira l’ombre de son premier aïeul,
d’Abel son fils et de Noé,
et de Moïse, légiste obéissant;
Abraham patriarche et David roi,
Israël avec son père et ses enfants,
et avec Rachel, pour laquelle il fit tant;
et beaucoup d’autres, qu’il emmena au ciel.
Et je veux que tu saches qu’avant ceux-là
les esprits humains n’étaient pas sauvés. »
 
Dante a sauvé l’humanité avec l’arrivée du puissant, le Christ, et il est temps de se vanter le poète qui marque et réécrit l’histoire et qui est, dans quelques sortes, la mémoire de l’humanité. Il nomme dans son œuvre les grands poètes depuis l’antiquité jusqu’en 1300, la date de l’émergence de son chef-d’œuvre « La comédie devine » et il s’ajoute lui-même (le sixième) pour qu’il soit parmi les grands qui ont marqué l’histoire.  
Je vis venir à nous quatre grandes figures
           dont le visage n’étaient ni gai ni triste.
Mon bon maître ne dit : « Regarde
celui qui a une épée dans sa main,
qui vient avant les autres comme un roi :
C’est Homère poète souverain;
après lui vient Horace satiriste;
Ovide est le troisième, et Lucain le dernier.
puisque chacun concorde avec moi dans ce nom
que la voix seule a prononcé,
ils me font honneur, et ils font bien. »
Ainsi je vis se rassembler la belle école
de ce seigneur au très haut chant
qui vole comme un aigle au-dessus des autres.
Quand ils eurent conversé un peu ensemble,
Ils se tournèrent vers moi en signe de salut,
et mon maître sourit de cet accueil;
Mais ils me firent plus honneur encore,
car ils me mirent dans leur compagnie,
Et je fus le sixième parmi ces sages. 

Deux siècles après Dante, l’érudit italien Machiavel le critique, il pense que la discussion avec l’esprit est suffisante pour raconter l’histoire, le passé. Le contact entre l’esprit et l’homme suffirait l’élite à écrire ce qu’est lié avec le passé. Même, selon Machiavel, qui nomme les grands poètes, tel que Ovide et Tibulle des poètes minores, il ne les a pas besoin d’écrire l’histoire, ces poètes ne sont que des beaux souvenirs.
« Lorsque je quitte le bois, je me rends auprès d’une fontaine, et de là à mes gluaux, portant avec moi, soit Dante, soit Pétrarque, soit un de ces poètes appelés minores, tel que Tibulle, Ovide, et autre. Je lis leurs plaintes passionnées et leurs transports amoureux; je me rappelle les miens et je jouis un moment de ce doux souvenir. »


Pour finir, Dante a écrit un texte sublime, une rédaction contient de plusieurs sens : laïque, religieuse, historique, littéraire, etc., pour peut-être marquer un point ou pour être à la hauteur des poètes précédents.
Sa plume marque, sans aucun doute, un poète remarquable qui est le héros, le poète-protagoniste capable de réécrire l’histoire à nouveau à sa manière, et comme Jésus a sauvé les anciens, Dante en tant que poète peut aussi sauver l’Histoire.      





[1] J’aimerais signaler ici qu’il y a l’Église mormone qui pratique le baptême aux païens après leur mort, pour que ces défunts soient chrétiens et rejoignent à Jésus le sauveur.  Il est clair que cette pratique de l’Église mormone vient de Dante.