vendredi 17 novembre 2017

Dante le poète héros

Par Adam Mira
Georges Lukacs dans son livre « La théorie du roman » considère Dante comme l’écrivain qui a ajouté de nouveaux aspects à la littérature, et son œuvre « La comédie devine » a donné aux héros de différentes dimensions.
 « …Dante oppose la hiérarchie des postulats satisfaits, de même que lui seul n’a pas besoin que son héros soit une figue suprême de la société ni que son destin conditionne celui d’une communauté, car le vécu de son héros est l’unité symbolique de la destinée humaine tout entière. »


 Par ailleurs, Dante dans son chef-d’œuvre « La comédie devine » fait une écriture nouvelle qui est entre l’épopée et le roman, même il fonde une clôture entre les deux genres afin finalement de créer un genre totalement nouveau dans la littérature.
En effet, pour écrire, nous avons besoin d’une langue qui sera capable de refléter notre pensée, nos préoccupations, nos souhaits, etc., c’est le cas de Dante, de son époque, qui a, sans doute, su ou lu les tentatives de certains érudits essayant d’ajouter leurs empreintes dans la langue, afin que Dante finalement fasse un saut et crée une langue ou a priori organise la syntaxe.
En dessein d’implanter sa vision dans la littérature, Dante fonde dans sa merveille « La comédie devine » des nouvelles règles basant sur la liaison entre l’auteur et le principal personnage des œuvres à travers l’écriture qui mélange le réel avec l’imaginaire, le passé avec l’avenir.
Dans un texte épique rempli d’allégories, de symboles et de métaphores, Dante nous ouvre un pèlerinage trilogie : l’Enfer, Purgatoire et Paradis qui est, dans quelques sortes, l’épopée du christianisme.   
L’auteur qui vit en exil et loin de sa ville natale à cause du conflit entre les Noirs et les Blancs, il choisit sa plume afin d’écrire ou plutôt finir son œuvre « La comédie devine » qui est pour lui une comédie et non une fiction, cela dit une réalité qui raconte l’histoire du christianisme. Le poète ne cherche pas seulement de se venger, mais a priori il veut trouver la langue avec laquelle peut sortir ce qui est dissimulé.
Dante fait un mélange bien construit entre le passé qui le convoque dans son poème afin de raconter l’Histoire, les trois instruments de son récit sont : sa plume, Virgile et Béatrice. Cela dit qu'une langue riche qui doit être l’élément de description avec lequel le poète veut écrire. Virgile, le grand poète de l’ère romaine, sera son guide pendant le voyage en Enfer et Béatrice, son pur amour, la fille qui est partie jeune dans l’au-delà, ayant la pureté pour être son guide au Paradis qui est consacré au croyant du Christ.  
L’auteur dans son œuvre veut insister sur son autorité et son rôle en tant que le protagoniste de cette épopée. Il l’écrit à l’âge de 35ans (au milieu du chemin de notre vie), coïncide avec la période de son voyage à Rome, aussi au moment du grand Jubilé institué par le pape Boniface VIII, en inspirant encore de prophète Isaïe. Cependant, malgré la période festivalière pour l’Église avec le pontife, qui possède deux chapeaux : religieux et politique, Dante vit à l’égard de la société dans son exil à cause des erreurs. D’ailleurs, il raconte l’histoire à la première personne, il veut dès le début montrer son autorité et sa personnalité principale dans le roulement de sa comédie, bien que sa pensée et ses idées ne soient pas claires à cause de son instabilité.  
Au milieu du chemin de notre vie,
je me retrouvai par une forêt obscure
car la voie droite était perdue.
Ah dire ce qu’elle était est chose dure
cette forêt féroce et âpre et forte
qui ranime la peur dans la pensée!
Elle est si amère que mort l’est à peine plus;
mais pour parler du bien que j’y trouvai;
je dirai d'autres choses que j’y ai vues.

Bien que Dante soit dans l’inquiétude et l’isolement, il garde son orgueil et sa fierté devant les êtres horribles qu’ils commencent à apparaitre devant lui dans son voyage.
…. Mais non pas tant que la peur ne me vit
à la vue d’un loin, qui m’apparut.
Il me semblait qu’il venait contre moi
la tête haute, plein de faim enragée;
on aurait cru autour de lui voir l’air trembler.

Lorsque Dante rencontre Virgile, le ton change, l’angoisse part et la voie sourit, car ce poète est une légende de l’empire roman qui raconte des mythes au Moyen-Âge. Sa figure représente alors celle d’un sage, expert en arts magiques, doué du don prophétie, chantre des morts. Au point de vue de Dante, Virgile est aussi allégorie de la raison humaine et poète de l’autorité impériale. D’ailleurs, les premiers chants de la Comédie, il est autant le maître de poésie et le grand sage. L’auteur s’incline alors devant Virgile pour qu’il soit son maître et son guide.  
« Es-tu donc ce Virgile et cette source
qui répand si grand fleuve de langage?»
lui répondis-je, avec la honte au front.
« O lumière et honneur de tous les poètes,
que m’aident la longue étude et le grand amour
qui m’ont fait chercher ton ouvrage.
Tu es mon maître et mon auteur
tu es le seul où j’ai puisé
           le beau style qui m’a fait honneur.  

Quoique Virgile soit païen, il est le guide de Dante pendant son premier voyage en Enfer, le poète qui a marqué l’histoire de l’empire roman restant héros de tous les temps. Dante qui est le croyant et veut écrire à sa manière l’histoire de l’église, il prend son monteur afin de franchir le cercle de l’Enfer. De toute manière, Dante veut exposer que le poète reste le protagoniste de tous les temps païen ou non païen. 
Et moi, à lui : « Poète, je te prie,
par ce Dieu que tu n’as pas connu,
pour que je fuie ce mal et pire,
en sorte que je voie la porte de saint Pierre
et ceux que tu décris si emplis de tristesse. »
Alors il s’ébranla, et je suivis ses pas.


Avec l’aide de son maître païen, Dante vient de réécrire l’histoire à travers l’Église, cependant, il pense que les personnes qui sont nées avant l’arrivée de la deuxième révélation ne méritent pas d’être condamnées, car elles possèdent l’esprit de la chrétienté avant sa parvenue, d’autant plus Virgile est parmi eux, alors comment un sage et poète peut-il déposséder d’être sauvé par le Christ?
Mon bon maître me dit : « Tu ne demandes pas
quels sont les esprits que tu vois?
Or je veux que tu saches, avant d’aller plus loin,
ou’ils furent sans péchés; et s’ils ont des mérites,
cela ne suffit pas, sans le baptême[1],
ils n’adorèrent pas Dieu comme il convient :
je suis moi-même un ceux-là.
Pour un tel manque, et non pour d’autres crimes,
nous sommes perdus, et notre unique peine,
              est que sans espoir nous vivons en désir. »

            Avec un poète braillant et hors de commun, il trouve la solution pour sauver l’humanité grâce au Christ, sans le nommer par son nom en Enfer, et qui descendit dans le règne des damnés entre sa mort et sa résurrection, Jésus apparait dans le récit comme le sauveur des anciens, les prophètes de Testament Abrahamique afin qu’ils soient avec lui. Cette apparence est une déclaration de l’alliance par Jésus, le prophète de la paix, afin de sauver ses aïeux.
Et lui, qui entendit mes paroles couvertes,
me répondit : « J’étais nouveau dans cet état
quand je vis venir un puissant,
que couronnait  un signe de victoire.
Il tira l’ombre de son premier aïeul,
d’Abel son fils et de Noé,
et de Moïse, légiste obéissant;
Abraham patriarche et David roi,
Israël avec son père et ses enfants,
et avec Rachel, pour laquelle il fit tant;
et beaucoup d’autres, qu’il emmena au ciel.
Et je veux que tu saches qu’avant ceux-là
les esprits humains n’étaient pas sauvés. »
 
Dante a sauvé l’humanité avec l’arrivée du puissant, le Christ, et il est temps de se vanter le poète qui marque et réécrit l’histoire et qui est, dans quelques sortes, la mémoire de l’humanité. Il nomme dans son œuvre les grands poètes depuis l’antiquité jusqu’en 1300, la date de l’émergence de son chef-d’œuvre « La comédie devine » et il s’ajoute lui-même (le sixième) pour qu’il soit parmi les grands qui ont marqué l’histoire.  
Je vis venir à nous quatre grandes figures
           dont le visage n’étaient ni gai ni triste.
Mon bon maître ne dit : « Regarde
celui qui a une épée dans sa main,
qui vient avant les autres comme un roi :
C’est Homère poète souverain;
après lui vient Horace satiriste;
Ovide est le troisième, et Lucain le dernier.
puisque chacun concorde avec moi dans ce nom
que la voix seule a prononcé,
ils me font honneur, et ils font bien. »
Ainsi je vis se rassembler la belle école
de ce seigneur au très haut chant
qui vole comme un aigle au-dessus des autres.
Quand ils eurent conversé un peu ensemble,
Ils se tournèrent vers moi en signe de salut,
et mon maître sourit de cet accueil;
Mais ils me firent plus honneur encore,
car ils me mirent dans leur compagnie,
Et je fus le sixième parmi ces sages. 

Deux siècles après Dante, l’érudit italien Machiavel le critique, il pense que la discussion avec l’esprit est suffisante pour raconter l’histoire, le passé. Le contact entre l’esprit et l’homme suffirait l’élite à écrire ce qu’est lié avec le passé. Même, selon Machiavel, qui nomme les grands poètes, tel que Ovide et Tibulle des poètes minores, il ne les a pas besoin d’écrire l’histoire, ces poètes ne sont que des beaux souvenirs.
« Lorsque je quitte le bois, je me rends auprès d’une fontaine, et de là à mes gluaux, portant avec moi, soit Dante, soit Pétrarque, soit un de ces poètes appelés minores, tel que Tibulle, Ovide, et autre. Je lis leurs plaintes passionnées et leurs transports amoureux; je me rappelle les miens et je jouis un moment de ce doux souvenir. »


Pour finir, Dante a écrit un texte sublime, une rédaction contient de plusieurs sens : laïque, religieuse, historique, littéraire, etc., pour peut-être marquer un point ou pour être à la hauteur des poètes précédents.
Sa plume marque, sans aucun doute, un poète remarquable qui est le héros, le poète-protagoniste capable de réécrire l’histoire à nouveau à sa manière, et comme Jésus a sauvé les anciens, Dante en tant que poète peut aussi sauver l’Histoire.      





[1] J’aimerais signaler ici qu’il y a l’Église mormone qui pratique le baptême aux païens après leur mort, pour que ces défunts soient chrétiens et rejoignent à Jésus le sauveur.  Il est clair que cette pratique de l’Église mormone vient de Dante. 

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