La Mésopotamie, l’Irak actuel, est le berceau des civilisations, elle a donné à l’humanité l’écriture cunéiforme, la première écriture et le code Hammourabi, celui-ci qui a influencé l’Ancien Testament : œil pour œil et dent pour dent. Puis, Bagdad, la ville construite en 762 par le premier calife abbasside Abou-Jafar Al-Mansur, devenue la capitale de l’empire abbasside islamique pendant des siècles durant lesquels, elle était le phare cosmopolite des sciences.
Par: Adam Mira
Plusieurs occupants se sont succédés sur la capitale au fil des siècles et c’est en 1919 que, Madina el-Salam, la ville de la paix, passe sous la domination de la Grande-Bretagne qui a obtenu de la Société des Nations (SDN) un mandat de protectorat sur l’Irak. La demande de l’Angleterre a été déposée à la suite des Accords de Sykes-Picot signés en 1916 entre la France et le Royaume-Uni pour le partage du Pays du Levant et de la Mésopotamie qui était sous la gouvernance de la Porte Sublime.
L’Irak contemporain, un joueur majeur dans le Monde arabe, est constitué de deux peuples : les Kurdes (minoritaires) et les Arabes. Et, de deux branches musulmanes : les chiites majoritaires environ 60% et les sunnites minoritaires environ 20 % auxquelles s’ajoutent différentes religions. L’Irak aussi possède deux villes saintes aux yeux des chiites : Karbala et An-Nadjaf.
En 1921, l’Angleterre nomme Fayçal, le fils de shérif Hussein, roi de l’Irak, et en 1932, le Royaume irakien obtient son indépendance de l’Angleterre qui reste un royaume hachémite uni jusqu’à l’assassinat de la famille royale en 1958, après un coup d’État sanglant par le Colonel Abdel Karim Kassem qui abolit le royaume et établit la République.
L’histoire de l’Irak contemporaine est pleine d’histoires sanglantes, la violence est la seule voie pour régler un litige ou une divergence politique.
En 1963, Abdel Karim Kassem a le même sort que son prédécesseur, un nouveau chef militaire accède au pouvoir Abdeslam Arif qui est mort dans un accident d’hélicoptère. Après quoi, son frère Abderrahmane prend sa place et écarte ses camarades du parti nationaliste Baath pour gouverner seul.
En 1968, le militaire Ahmed Hassan al-Bakr fait un coup d’État blanc et écarte Abderrahmane Arif de son poste, celui-ci part en exile au Maroc.
C’est le début de la gouvernance absolue du Parti Baath qui adopte une politique égalitaire dans le pays où il n’y a aucune distinction entre races ou confessions religieuses.
En 1979, Al-Bakr abdique au profit de son Vice-président Saddam Hussein, l’homme fort du parti Baath. Malheureusement, ce personnage amène son pays vers une série de guerres quelques mois à peine après son accession au pouvoir. Né en 1937 d’une famille modeste, Saddam adhère depuis sa jeunesse au parti Baath et sa première mission à l’âge de 19 ans était de tirer sur le président Kassem sans toutefois l’atteindre. Après quoi, il obtient une légitimité parmi les membres du Parti et devient leur leader. Après sa fuite de l’Irak à la suite de son assassinat manqué, il est reçu par le cofondateur du Baath Aflak à Damas.
Le 22 septembre 1980, l’Irak déclare la guerre à l’Iran qui est devenue depuis quelques mois une République islamique. Ayatollah Khamenei, l’ennemi juré de Saddam, devient le Guide suprême de ce pays voisin.
La raison de la guerre est d’arrêter l’extension chiite au Moyen-Orient, de libérer Ahvaz, une localité arabe additionnée à l’Iran en 1919 par la Grande-Bretagne, d’agrandir l’axé de l’Irak au Shat el-Arab et d’abolir l’accord d’Alger de 1975 entre l’Irak et l’Iran du Shah. La guerre prend fin après huit ans (1980-1988) sans aucun changement, sinon les dizaines de milliers de morts, de blessés et d’handicapés en plus des économies ruinées.
Deux ans après, l’Armée irakienne envahit le Koweït le 02 août 1990 ce qui entraîne le déclenchement de la deuxième guerre du Golfe par 30 pays à leur tête les États-Unis. Cependant, un embargo atroce est instauré sur l’Irak par les Nation-Unis à partir de 1991 et qui restera en vigueur jusqu’en 2003, date de la chute du régime baathiste sous les frappes de l’Armée américaine et britannique lors de la troisième guerre du Golfe.
L’Administration américaine de Georges W. Bush déclare la guerre à l’Irak accusée d’avoir des liens avec Al-Qaïda, le premier responsable de l’attaque terroriste de 2001 à New York. Par ailleurs, elle prétend amener la liberté aux Irakiens et de détruire les armes de destruction massive de l’Irak. Quoique Hans Blix, le chef de la Commission de contrôle, de vérification et d’inspection des Nations unies pour l’Irak (COCOVINU), annonce que la seule raison de la guerre contre l’Irak était son pétrole, et le secrétaire d’État américain de la défense Paul Wolfowitz déclare que : «l’Irak baigne dans une mer de pétrole.»
Après la chute de Saddam Hussein, Paul Bremer devient l’Administrateur américain en Irak et il prend des décisions majeures qui sont à la base de l’attisement du terrorisme au Moyen-Orient, principalement en Irak : 1. Dissoudre l’armée irakienne et les appareils sécuritaires. (Des milliers se trouvent dans la rue sans aucune ressource).
2. La fondation de la délégation d’éradication du parti Baath. (Des milliers des fonctionnaires d’État de différents départements jetés dans la rue sans avoir aucun dédommagement.) Après l’ère américaine en Irak, qui est finie à la suite des révélations de pratiques de torture dans la prison d’Abou Ghrib, la société laïque a été remplacée par une société religieuse. Ainsi, des politiciens Irakiens pro-Iran sont nommés et des conflits avec les pays voisins arabes éclatent. Le roi Abdallah II de Jordanie prévient le monde de la création du croissant chiite au Moyen-Orient.
Le 28 juin 2004, Bremer transfère la souveraineté aux Irakiens, et une nouvelle ère commence en Irak :
- Une instabilité sans fin au pays;
- L’Irak devient la base du terrorisme mondiale et l’émergence de groupuscules extrémistes de l’Islam radical (chiite et sunnite);
- La création d’un état religieux basé sur le partage du pouvoir : le président est Kurde, le chef du parlement est de confession sunnite et le premier ministre est de confession chiite ;
- L’émergence d’une nouvelle classe sociale : les hommes religieux remplaçant la classe laïque ; une classe et un gouvernement guidé par Téhéran.
- Le conflit sanglant entre sunnites et chiites.
- L’ambition kurde continue à faire la manchette dans le pays, les Kurdes possèdent maintenant un État, un drapeau, une armée, un gouvernement et un territoire en extension. Les Kurdes profitent de la situation précaire de l’État à Bagdad.
L’Irak se trouve actuellement dans une meilleure situation par rapport à la décennie passée, des changements radicaux ont lieu sur plusieurs scènes : interne, externe et régional.
Depuis quelques mois, à l’aide de l’Armée américaine et française, l’Armée irakienne attaque le mouvement terroriste l’État islamique (Daech) à Mossoul, et la coalition a libéré la majorité de la ville, bien que les djihadistes persistent dans l’aile ouest. Cependant, la victoire complète a besoin de temps et de patience.
L’Arabie saoudite envoie son ministre des Affaires étrangères, Adel al-Joubeir. C’est la première visite d’un responsable saoudien depuis un quart du siècle, c’est un changement au niveau de la diplomatie saoudienne. Selon la tradition des pays du Golfe arabe, il est préférable de régler tous les litiges en coulisse loin des médias. Cependant, la sortie de l’Arabie Saoudite de cette tradition pour entamer une nouvelle ère a pour but de cibler l’Iran, l’ennemi juré, dont l’Irak est sous son influence constante depuis la chute de Saddam Hussein. Al-Joubeir rencontre le premier ministre irakien Haider Al-Abadi et son homologue Ibrahim al-Jaafari, pro-iranien, à Bagdad et à Washington et déclare que Riyad a l’intention d’effacer les dettes irakiennes évaluées à 15 milliards $, afin de cristalliser la relation avec l’Irak et le ramener à s’intégrer à nouveau dans le monde arabe et de reprendre son rôle majeur comme il était à l’époque des baathistes.
L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche a mis brutalement fin à l’ère de Barak Obama qui a retiré les soldats américains du sol irakien et mené une politique favorable à l’Iran. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche invite le premier ministre irakien à Washington et lui déclare son appui dans sa mission d’éradiquer le terrorisme, et montre ses crocs à l’Iran comme un pays qui mène l’instabilité dans la région. Cela correspond à des changements radicaux qui nous amènent à interpréter deux scénarios d’avenir pour l’Irak qui a joué pendant des décennies un rôle majeur dans le monde arabe. Selon des politiciens irakiens dont le Vice-président Iyad Allaoui : « il y a un Irak après Mossoul et avant Mossoul, c’est une opportunité pour le pays de sortir de l’impasse et de construire un État moderne.»
Si les politiciens irakiens restent fidèles à la politique iranienne, sous l’influence du clergé de Qom et loin de ses voisins arabes, la situation serait très grave au niveau de la sécurité, de l’économie (l’Irak est parmi les pays les plus corrompus au monde), de la guerre confessionnelle entre chiite et sunnite. Car l’Iran ne pourrait pas dominer un Irak stable et fort qui refuse de se soumettre à sa politique et de devenir une arme iranienne contre les pays arabes. Quoique l’homme religieux fort en Irak, Ayatollah al-Sistani, soit iranien, sa position est contre le régime de son pays et préfère un Irak loin de l’influence de Téhéran. Néanmoins, la majorité des politiciens irakiens au pouvoir après la chute de Saddam sont du Parti Dawa pro-Iran, par conséquent le choix de l’Irak de sortir de l’influence de l’Iran resterait incertain, surtout que cette dernière cherche à être un pays régional puissant.
Iyad Allaoui le Vice-président irakien confie dans une interview que l’Irak a besoin d’entamer des procédures politiques à côté de la victoire militaire à Mossoul, il faudrait que l’Irak ne perde pas cette opportunité, comme il a perdu l’occasion d’être un État laïc en 2010. L’entretien avec Allaoui vient quelques jours après la visite d’Adel al-Joubeir à Bagdad, c’est-à-dire, si les politiciens irakiens prennent une décision de s’approcher de l’Arabie Saoudite et du Monde arabe, l’Irak trouverait le soutien suffisant afin de s’émanciper de l’influence iranienne. Surtout que les États-Unis de Donald Trump seraient parmi les premiers à aider l’Irak afin de restaurer son État et de rétablir un État laïc et diminuer le litige entre les chiites et les sunnites afin de se débarrasser du terrorisme.
Le destin de l’Irak est en otage entre les mains de politiciens malhonnêtes qui cherchent leurs biens personnels au dépend de leur pays. Bien que tous les moyens soient présents afin que l’Irak soit un pays prospère, cependant la dernière décision resterait emprisonnée dans les rouages des disqualifiés qui dominent un Irak riche. Néanmoins, c’est le moment pour le peuple irakien de sortir dans la rue et dire son dernier mot : « arrêtez le bain de sang, nous sommes tous irakiens ! »
2. Myriam Bernaad, L’Irak, Éditions le Cavalier Bleu, France, Paris. 2010
3. Hans Blix, Les armes introuvables, Édition Fayard, France, Paris. 2004
4. Charles Saint-Prot, Histoire de l’Irak, De Sumer à Saddam Hussein, Éditions Ellipses, France, Paris. 1999
5. La chute Saddam Hussein, Interrogatoires par la FBI, Éditions Inculte collection temps réel, France, Paris. 2010
6. Par son auteur, Zabiba et le roi, Éditions Rocher, France, Paris. 2003
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.