Le journaliste américain spécialiste du
Moyen-Orient Thomas Friedman écrit : « Mohammed ben Salman, s’il
réussit, ne changera pas seulement le caractère de l'Arabie saoudite, mais le
ton et la teneur de l'Islam à travers le monde (Friedman, 2017). »
Par: Adam Mira
Réformateur modéré dans un royaume
ultraconservateur, Mohammed ben Salman, MBS, est le prince le plus jeune jamais
vu de l’histoire du royaume de la péninsule Arabique depuis sa création en
1932, un État basé sur une alliance, voire un pacte entre la politique et le
wahhâbisme.
Mohamed Ben Salman, né en 1985, a 33 ans et a
étudié le droit en Arabie saoudite. Il est parmi les princes qui ne parlent pas
bien l’anglais. Depuis son arrivée sur la scène politique saoudienne, il mène
des offensives sur plusieurs fronts : sur la scène intérieure, régionale
et internationale. Dans son pays, il donne à la femme saoudienne un nouvel élan
afin d’avoir une place à côté des hommes dans une société ultraconservatrice.
Il autorise le cinéma et le théâtre, incarcère des princes et des dignitaires
corrompus et donne à l’Islam un visage modéré.
Le jeune prince veut brûler toutes les étapes
afin d’acquérir ses lettres de noblesse et devenir l’homme fort du pays :
qui est, il faut le rappeler, le premier producteur mondial de pétrole avec 10
millions de barils par jour et le leader de plus d’un milliard de musulmans
dispersés dans les quatre coins du monde.
L’arrivée du jeune prince héritier, Mohamed
Ben Salman (MBS), au pouvoir en Arabie saoudite en 2017 change le visage du
pays. En effet, il réforme son pays économiquement, socialement, politiquement
et religieusement. En d’autres mots, il mène un printemps saoudien à sa manière
qui provient du haut de la pyramide. Il est en train de changer le visage du
Moyen-Orient et en même temps il terrorise ses adversaires et intensifie sa
légitimité comme l’homme du moment.
Tout cela, nous amène à formuler notre
problématique que le changement en Arabie saoudite est le premier pas afin de
refonder le royaume à l’ère moderne. Cela nous amène à poser la question pour
laquelle nous allons répondre :
La réussite de MBS dans ces démarches
pourrait-elle éradiquer les extrémistes dans son pays, prêcher l’Islam modéré,
mettre fin à la marginalisation des femmes saoudiennes, donner à la culture et
à l’art sa place dans la société, détruire la corruption du pays et instaurer
que personne n’est au- dessus de la loi ?
Si j’ai choisi ce
sujet, c’est parce que l’Arabie saoudite est un pays majeur au Moyen-Orient, le
leader incontournable sur la scène régionale et internationale. Et, l’arrivée
de la nouvelle génération au trône pourrait influencer la politique mondiale
ainsi que sa diplomatie issue de l’ancienne école basée sur les coulisses.
Cette dernière a d’ailleurs totalement changé, elle est devenue agressive et
critique publiquement ses adversaires de l’intérieur autant que ceux de
l’extérieur. Le changement mené par le jeune prince est à l’image de la
péninsule Arabique et du Moyen-Orient pour les prochaines décennies. Tous ces
facteurs m’encouragent à aborder ce sujet compliqué et bien délicat.
La genèse du Royaume
Le royaume a été créé par une alliance entre
Mohamed ben Saoud et Mohamed Ben Abdelwahhab. Le premier est un politicien et
guerrier qui a donné son nom au royaume, l’autre est un religieux
ultraorthodoxe qui a associé son patronyme à une nouvelle tendance de
l’Islam : le Wahhabisme. L’Arabie saoudite est une monarchie sunnite
absolue, sa Constitution est le Coran, le
livre saint des musulmans, et ses
tribunaux sont sous la loi de la Shari’a. Le royaume, berceau de l’Islam, possède deux
pouvoirs : l’un religieux grâce aux deux villes saintes : La Mecque
qui contient la Kaaba, où tous les
musulmans pratiquants se tournent pour faire leurs prières quotidiennes, et
Médine comprenant la tombe de Mahomet, le prophète de l’Islam. La monarchie est
le représentant spirituel des pays musulmans sunnites. L’autre pouvoir est
économique, le pays est le premier producteur de pétrole dans le monde.
Malgré l’interprétation rigoureuse de l’Islam
selon le wahhabisme, la société civile a vécu une vie moderne jusqu’en 1979,
une date incontournable où émerge un mouvement extrémiste qui accuse le clan
Al-Saoud d’apostasie, d’avoir falsifié l’Islam et prêché la vie occidentale.
Les sympathisants de ce mouvement ont occupé le sanctuaire saint de La Mecque
pendant deux semaines avant d’en être chassé après une longue offensive de
l’armée saoudienne épaulée par la force spéciale française. Les extrémistes
sont alors arrêtés et exécutés. Toutefois, cet évènement a éclipsé la vie en
Arabie saoudite où les conservateurs ont gagné du terrain et imposé le suivi à
la lettre de toutes les règles de l’Islam les plus fondamentales. Le pays tombe
alors rapidement dans l’obscurité où personne n’est capable de protester contre
ces fondamentaux.
Pour se renforcer après cette crise, il fit
ce que tant d’autres régimes du monde musulman ont fait : parer aux
critiques par un surcroît de religion, afin d’en tirer une légitimité
supplémentaire. Dirigé par Ibn Baz, le Conseil suprême des oulémas donna raison
au régime saoudien et condamna les insurgés, mais obtenant en échange une série
de mesures contre la libéralisation qui s’était amorcée en Arabie saoudite
(Mayer, 2008).
Par ailleurs, l’arrivée du printemps arabe en
2011 change le jeu politique et pousse les régimes autoritaires à réformer leur
régime. C’est le cas de l’Arabie saoudite, un royaume se trouvant obligé de
consolider son front intérieur pour être capable d’affronter les obstacles
régionaux qui tôt ou tard se mettent au travers du pays.
Al-Saoud
se retrouve alors seul, il presse le pas afin d’organiser sa politique
intérieure et d’entreprendre la lutte contre les potentiels ennemis internes
pour qu’il puisse être capable d’affronter les ennemis externes. C’est le moment de mettre à la tête du pays
un roi qui sera pointilleux, qui travaillera pendant de longues heures et qui
saura prendre des décisions rapidement pour mettre sur pieds le royaume.
C’est aussi le bon moment d’empêcher les
vieux princes d’accéder au pouvoir et de nommer la nouvelle génération
d’Al-Saoud aux postes clés.
Changement de rituels
Le fondateur de l’Arabie saoudite a laissé, à
sa mort en 1953, un testament, un texte unique dans le monde où l’héritier est
son fils et qui sera suivi par son frère. Un héritage horizontal suivi par tous
les rois qui sont montés sur le trône saoudien en respectant la volonté de leur
père, jusqu’à l’arrivée du roi Salman qui a changé cette règle. Il a écarté
deux princes héritiers : le prince Moukrine ben Abdelaziz en 2015 et
Mohamed ben Nayef le 10 juin 2017 afin de désigner son fils Mohamed Ben Salman
comme prince héritier. C’est un coup de théâtre de changer le testament du
fondateur et l’héritage devient pour la première fois à la verticale : de
père en fils, nonobstant, le décret de la désignation insiste sur un point que
le futur roi n’a pas le droit de nommer son fils, cela dit que ce sera le
retour à la volonté du fondateur.
Par décret royal, le souverain a remplacé
hier son neveu Mohammad ben Nayef, 57 ans, par son fils Mohammad ben Salmane,
âgé de 31 ans, au titre de prince héritier. Un geste qui vient rompre
radicalement avec la tradition du royaume. MBS et MBN, comme les surnomment la
presse et les chancelleries, ont tous deux, en l'espace d'un an, cherché à
consolider leur influence au sein du royaume (Hayek, 2017).
Dans une entrevue téléphonique avec la
journaliste du journal francophone La
Presse, Michèle Ouimet insiste que le jeune prince a volé le pouvoir de son
oncle. « Ce n’est
pas lui qui doit être le prince héritier, mais son oncle Mohamed Ben
Nayef. »
D’ailleurs, les médias internationaux
traitent cette nomination de coup d’état royal, un geste qui changera le visage
du royaume.
Un coup d'État royal a eu
lieu mercredi 21 juin 2017 en Arabie saoudite avec la décision du roi Salman
Ben Abdelaziz Al-Saoud de désigner son fils Mohammed Ben Salman au rang de
prince héritier (Huffpostmaghreb
2017).
Le roi Salman (83ans) veut consolider le
pouvoir de son fils MBS avant sa mort, car s’il laisse l’héritage à ses frères
Moukrine et Nayef comme prévu, le nouveau roi serait contre la nomination de
MBS. Pour cette raison, il a écarté tous les obstacles devant son fils bien
aimé et a légiféré et promulgué des lois en 2017 qui sont entrées en vigueur en
2018, des décrets qui changent graduellement le visage du royaume et met fin à
l’orthodoxie wahhabite. Ces démarches courageuses dans la politique interne
sont très sollicitées par la nouvelle génération saoudienne éduquée à l’occidentale
et qui accepte avoir une liberté limitée par la pratique de l’Islam. Par
conséquent, le futur roi possède le soutien inconditionnel des jeunes saoudiens
qui comptent pour plus de 50 pour cent du peuple. D’ailleurs, il sera le
premier roi qui jouit de cet appui pour continuer à changer le visage du
royaume conservateur. Faute de quoi, MBS
sent profondément le manque de légitimité pour laquelle son père se réjouit,
alors, il passe tous les décrets délicats par son père légitime afin d’être capable de gouverner après le décès de son
protecteur sans beaucoup d’hostilité de la part des religieux et de certains
princes, notamment les vieux. Et, pour cette raison, son discours est toujours
adressé aux jeunes en leur offrant l’occasion idéale de réaliser leurs rêves de
travailler et de participer à la vie politique. Bien sûr, selon les critères de
MBS : royaume absolu avec une constitution qui est le Coran et la Shari’a.
· Quelques définitions :
Il est capital de définir certains termes
afin d’éclairer les approches de ce sujet.
·
L’Islam : Une religion monothéiste, purement arabe,
naquit avec la première révélation du Coran
dans la péninsule Arabique (l’Arabie saoudite actuelle) au VIIème siècle.
L’Islam a été fondé par le prophète Mohamed ben Abdellah, connu en Occident
sous le nom de Mahomet.
·
Le Coran : signifie la lecture des écritures, est le
livre saint des Musulmans. C’est la parole d’Allah que le prophète Mahomet
reçut ayat par ayat, c'est-à-dire verset par verset, à travers
l’ange Gabriel pendant 23ans, entre 610 et 632 de notre ère couvrant deux
périodes : à La Mecque et à Médine. Le Prophète reçut le dernier
verset quelques semaines avant sa mort.
·
La Shari’a : est
la loi divine Islamique, s’inspirant législativement du Coran. Les maîtres et les Ulémas (savant religieux) du droit
musulman.
·
Le Wahhabisme : c’est l’intérepretations rigoureuse de l’Islam, fondé au XVIIIe siècle
par Mohammed ben Abdelwahhab dans l'Arabie centrale. Ce dernier récupère à son
compte la vieille doctrine de IXe siècle de l’Imam Ahmed Ibn Hanbal, dans le
but de ramener l'Islam sunnite à la forme qu'il avait été chez les héritiers du
Prophète (cosmovisions 2004).
·
Le conflit entre sunnites et chiites : Immédiatement après la mort de Mahomet en
632, les Musulmans sont divisés en deux branches : les sunnites et les
chiites. Les premiers désignent un
compagnon du Prophète comme héritier, par contre les deuxièmes insistent que
l’héritage doit être légué à Ali Ben Abi Taleb le gendre et le cousin de
Mahomet. Ils prétendent que l’imam, l’héritier, doit sortir de la maison de
Mahomet : Al-Elbeit. Les
sunnites sont majoritaires, 85 pour cent des musulmans dans le monde et 15 pour
cent sont des chiites. Le conflit entre les deux branches continue jusqu’à ce
jour, cristallisé entre l’Arabie saoudite (sunnite) et l’Iran (chiite).
Une majorité de musulmans soutiennent Abou
Bakr, qui devient le premier calife. Depuis, les sunnites ont toujours été
majoritaires. Ils représentent aujourd’hui environ 85 % des musulmans du monde.
Les seuls pays à majorité chiite sont l’Iran, l’Irak, l’Azerbaïdjan et Bahreïn,
mais d’importantes minorités existent au Pakistan, en Inde, au Yémen, en
Afghanistan, en Arabie saoudite et au Liban (Vaudano 2014).
·
Wilaya el-Faqih : wilaya signifie la « tutelle », et Faqih
traduit l’idée de juriste-théologien. Ce thème est un principe théologique, il
confère aux religieux la primauté sur le pouvoir politique. Le Faqih est le
guide suprême.
Le choc
Dans
un pays où un simple ordre d’arrestation vient du roi ou de son héritier est
exécuté immédiatement par les différents instruments policiers et sans avoir
besoin d’un mandat d’arrêt. MBS est nommé par le roi comme le président de
la Commission anticorruption saoudienne. Il ordonne le 5 novembre 2017
l’arrestation de centaines de princes, des hommes d’affaires et des
responsables politiques.
La purge opérée sous l’ordre du prince
héritier a pour but de récupérer environ cent milliard de dollars. Les
personnes arrêtées auraient payé des pots de vin pour faire passer leurs
affaires. Certains noms ont été dévoilés par les médias et ont été confirmés
par les autorités à Ryad, dont le nom de l’homme le plus riche dans le monde
arabe, le prince Al-Walid Ben Talal, et un autre, le fils d’un ex-roi, l’ancien
chef de la Garde nationale saoudienne Miteb Ben
Abdullah.
Les dossiers de collusion
incriminant les arrêtés sont anciens, ils ont causé des morts et des calamités
au cœur de la société saoudienne, comme l’inondation de Djeddah en 2006. La communauté politique saoudienne a l’habitude de
ne pas protester et d’attendre les processus royaux. Beaucoup de Saoudiens sont
étonnés, voire offusqués par cette purge. Toutefois, ils sont heureux de voir
pour la première fois dans l’histoire du royaume, un prince qui vient d’arrêter
ses cousins en les accusant d’être corrompus. Une nouvelle ère vient de frapper
l’Arabie saoudite qui est à la recherche d’un sauveur.
Avec ces arrestations, « le royaume ouvre une nouvelle
ère et une politique de transparence, de clarté et de responsabilité », a
déclaré le ministre des finances Mohammed Aljadaan, ajoutant que ces actions «
décisives préserveront le climat pour les investissements et renforceront la
confiance dans l’État de droit ». Le conseil des religieux a soutenu ce coup de
filet, insistant sur le fait que la lutte contre la corruption était « aussi
importante que le combat contre le terrorisme (Lemonde 2017).
Ostensiblement, la
purification menée par la police a pour cause la corruption. Cependant, le vrai
prétexte est de terroriser les princes, l’opposition religieuse ou politique
afin de ne pas protester contre le pouvoir de MBS et ses ambitions de réorganiser,
à sa manière, la politique interne et les pactes entre les tribus ainsi que de
prêcher un Islam moderne. Pour finalement transformer le royaume ultraorthodoxe
à une monarchie moderne et prospère.
Contrôlant les principaux leviers du
gouvernement, de la défense à l’économie, le prince héritier Mohammed Ben
Salman semble chercher à étouffer les contestations internes avant tout
transfert formel du pouvoir par son père (Lemonde
2017).
Malgré cette purge, le 4
janvier 2018, onze princes font une manifestation, ils demandent le retour de
leurs prérogatives coupées par MBS. Leur arrestation est rapidement faite, et
le gouvernement à Ryad confirme dans un communiqué leur prise et leur mise en
prison. Il est clair que le prince n’a pas l’intention de tolérer un seul geste
contre son pouvoir et il fera emprisonner qui que ce soit afin d’atteindre ses
objectifs.
[...]Des
princes avaient été arrêtés après s’être rassemblés près d’un palais historique
de Riyad, le Qasr Al-Hokm. » et « Ils se mobilisaient contre une
décision du gouvernement de cesser de payer les factures d’eau et d’électricité
des membres de la famille royale et seront jugés pour troubles à l’ordre public
selon le procureur général Saud Al-Mojeb (Lemonde 2018).
Les démarches de changement
dans la politique interne continuent, la société saoudienne attend les nouveaux
ordres du jeune prince. La politique de la carotte et du bâton fonctionne à
merveille auprès de MBS.
· Décrets historiques :
Le 25 septembre 2017, un
décret royal autorise les femmes saoudiennes à conduire à partir du mois de
juin 2018, un communiqué ministériel conseille le gouvernement de mettre les
mesures appropriées afin d’exécuter le souhait du Souverain. Cette annonce a
fait rapidement le tour du monde, les dames saoudiennes sont les dernières de
la planète à obtenir ce droit.
Le roi Salmane a ordonné « de permettre de délivrer des
permis indifféremment aux hommes et aux femmes », indique le décret publié
mardi soir par l’agence officielle SPA. La mesure doit entrer en vigueur à
partir de juin 2018 dans ce royaume ultraconservateur du Golfe (journaldemontreal 2017).
La
communauté internationale encourage le roi à prendre plus de mesures pour les
libérer, le monde entier est enchanté par ce décret, sauf les hommes religieux
qui prêchent sans arrêt que les femmes qui conduisent peuvent perdre leur
virginité. Dans les pays musulmans, la relation sexuelle avant le mariage est
interdite, les femmes doivent être vierges avant leur mariage et elles offrent
à leurs maris leur virginité.
Cependant, les femmes
refusent d’accepter cette fatwa, une
opinion religieuse, elles se préparent déjà à obtenir leurs permis de conduire
au plus tôt.
La décision du royaume a été saluée par le département d’État américain,
qui a qualifié de « signe très positif » et de « pas dans la
bonne direction » l’autorisation faite aux femmes de conduire. « Nous
sommes très heureux », a dit la porte-parole de la diplomatie américaine
Heather Nauert devant la presse à Washington (radio-canada.ca 2017).
Malgré les obstacles et les refus de
certains hommes religieux, la réforme du royaume continue, un nouveau décret
concernant les femmes aussi les autorise à assister aux matchs dans les stades.
Les autorités saoudiennes réservent en l’occurrence une place pour les femmes
qui ont l’intention de supporter leur équipe nationale. D’ailleurs, dans un
pays où les activités de toutes sortes sont limitées, les femmes autant que les
hommes cherchent à participer à n’importe quel événement.
L’émancipation des femmes saoudiennes
va causer un virage au changement radical, car ces dernières vont avoir le
droit de travailler, de se marier sans avoir l’autorisation d’un homme, de
voyager seules sans être escortées par un homme et en plus, elles vont gagner
leur vie sans demander la permission de l’homme.
D’ailleurs, ces gestes stimulent
l’économie saoudienne, des centaines de millions de dollars vont être
économisés grâce aux femmes qui conduisent, car elles n’auront plus besoin d’un
chauffeur. Sans oublier, les achats de voitures, la création d’une police
composée de femme, etc., les femmes qui représentent la moitié de la société
vont avoir leur place et vont participer autant que les hommes dans la
prospérité de leur pays.
· Vision 2030 :
En 2016, le prince héritier occupe le
poste de ministre de la Défense, un siège clé et prestigieux. Il étonne les
saoudiens avec un projet nommé : Vision
2030.
Un plan titanesque dans le but de
réformer l’économie saoudienne et de diversifier les ressources par des
investissements massifs dans de nombreux secteurs, pour que le pétrole devienne
en 2030 un revenu mineur dans le budget saoudien. C’est le début de la monté de
MBS au pouvoir pour finalement se débarrasser de deux princes qui lui barrent
le chemin et devenir le nouveau futur souverain.
Le discours mené par Mohamed ben
Salman ébranle la société saoudienne, celle-ci qui habituellement n’entend
qu’un plaidoyer de vieux et des discours de bois. Le jeune prince parle aux
jeunes saoudiens, en insistant que leur avenir sera éblouissant. Ils pourront
servir leur patrie et construire un pays puissant et prospère. D’ailleurs, le
gouvernement saoudien a consacré un site Web spécialement pour expliquer et
faire la promotion de la Vision 2030.
En effet, nous pouvons lire :
[...]Notre véritable richesse réside dans l'ambition de notre peuple et
le potentiel de notre jeune génération. Ils sont la fierté de notre nation et
les architectes de notre avenir. Nous n'oublierons jamais comment, dans des
circonstances plus dures qu'aujourd'hui, notre nation a été forgée par la
détermination collective lorsque le défunt roi Abdulaziz Al-Saoud - qu'Allah
bénisse son âme - a uni le Royaume. Nos gens vont à nouveau émerveiller le
monde (Arabie saoudite 2016).
La Vision
2030 est une réforme économique où l’Arabie saoudite veut investir dans la
communication, la nouvelle technologie, l’achat d’actions dans les grandes
compagnies internationales, etc., cependant, le coup magique c’est l’annonce de
MBS d’ouvrir la compagnie nationale saoudienne d'hydrocarbures ARAMCO ( Saudi Arabian
Oil Company) aux actionnaires, le royaume veut vendre 5 pour cent du capitale de
cette entreprise et entrer en bourse, c’est un pas sollicité par les grandes
puissances économiques mondiales. D’ailleurs, le président des États-Unis
Donald Trump et Akihito, l’empereur du
Japon, l’ont vivement encouragé.
En outre, le prince héritier annonce
la construction d’une ville industrielle au coût de 500 milliards de dollars et
pour cette raison MBS s’est rendu à Seattle et a rendu visite aux présidents de
grandes compagnies américaines dont Mark
Zuckerberg avec qui il a eu une longue discussion pour participer à la
fondation de cette cité. « Le projet NEOM se fixe pour objectif de
remplacer la rente pétrolière par une rente plus libérale, mais il y a toujours
cette idée de rente. » (Kalaydjian 2017)
L’ambition de MBS continue, il est
pressé de réaliser ses projets dans un laps de temps le plus court possible, et
pour cette raison, il a ouvert plusieurs fronts dont il peut perdre certains en
court de route. Quoique sur la scène intérieure, il gagne graduellement, car il
ne laisse pas assez de temps à ses adversaires de respirer, choc après choc,
ses antagonistes n’ont pas le temps de se réunir et d’organiser leur offensive.
Le prince continue son combat en laissant derrière lui des poussières qui
aveuglent ses opposants dont les religieux extrémistes qui perdent leur pouvoir
jour après jour.
· Cinéma et art :
Et oui, c'est le nouveau vent de liberté qui est en train de souffler
sur Ryad - les autorités l'ont annoncé jeudi -, les Saoudiens vont enfin se
divertir ! Le jeune prince héritier trentenaire, Mohammed ben Salmane, met le
paquet : l'équivalent de 52 milliards d'euros vont être confiés à l'Autorité
générale du divertissement (le ministère de la culture local) afin de
construire des cinémas, des salles de concert, un opéra... Cet ambitieux plan
culturel s'étendra sur une dizaine d'années, le secteur privé devrait également
mettre la main au portefeuille (Chatreau 2018).
La
nouvelle vie culturelle opère une mutation majeure dans la société saoudienne,
notamment chez les jeunes et les saoudiens qui ont étudié en Occident. C’est le
moment de vivre leur vie à leur manière, cependant sans abus et sans trop
s’éloigner de la vie traditionnelle saoudienne. Il est important de rappeler
qu’un saoudien dépend et dépendra toujours de la tribu à laquelle il
appartient. Par ailleurs, l’Autorité saoudienne interdit la danse dans l’espace
publique et sollicite les jeunes gens à respecter les ordres
gouvernementaux. De plus, nous pouvons
lire sur les billets vendus pour un concert : « Interdit de danser ou de se trémousser (Lapresse 2018). »
La
décision d’ouvrir les frontières devant la culture arabe et occidentale stimule
l’économie saoudienne et les milliards dépensés auparavant à l’extérieur du
pays peuvent maintenant servir à offrir des emplois et faire face au chômage.
À l'heure actuelle, les
Saoudiens dépensent des milliards de dollars chaque année pour aller voir des
films et visiter des parcs de loisirs dans des centres touristiques voisins
comme Dubaï (Lapresse 2018).
En effet, pendant que MBS est en train
de surprendre son peuple par ces différents décrets, il commence une nouvelle
attaque sur le plan international contre l’ennemi juré de son pays :
l’Iran chiite.
Éliminer les obstacles
Mohamed ben Salman élimine graduellement les
obstacles internes qui pourraient gêner son pouvoir après le décès de son père,
tous les conflits internes sont en train de disparaitre, notamment après la
libération de princes détenus dont le prince Al-Walid ben Talal et l’ancien
chef de la Garde nationale saoudienne Miteb Ben
Abdullah qui ont déclaré, après leur libération, leur fidélité au prince
héritier. Cependant, certains prédicateurs célèbres restent en prison, car ils
refusent de donner leur consentement à la mutation menée par le jeune prince.
Néanmoins, la réussite de MBS dans les prochains mois pourra cristalliser son
pouvoir et convaincre les opposants de changer leur opinion et de se
positionner à son côté.
Les enjeux
Le jeune prince essaie d’asseoir son pouvoir
le plutôt possible avant le départ de son père. Cependant, les deux
prédicateurs célèbres en Arabie saoudite : Salman al-Ouda et Awad
al-Qarni, arrêtés et incarcérés depuis le mois de septembre 2017, restent en
prison, même leurs familles ne peuvent leur rendre visite. Ces deux hommes
religieux sont perçus comme critiques à l’égard des dirigeants du royaume. Il
est probable qu’ils perdent leur vie en prison, si leur posture reste contre
les démarches exécutées par MBS. Dans un
royaume absolu dirigé par un pacte entre religion et politique, les hommes
religieux possèdent un pouvoir vaste qui pourrait nuire au pouvoir politique.
Toutefois, MBS fait une promesse de prêcher un Islam modéré, c’est-à-dire de
mettre fin à tous les prédicateurs qui prêchent le Jihad et l’Islam politique.
Bien que l’institution religieuse saoudienne et les grands Cheikhs et Oulémas,
savant religieux, soutiennent le prince dans ses démarches, néanmoins il reste
quelques religieux qui manifestent leur mécontentement. Il est clair que ces
personnages ne verront plus le soleil. Par contre, la famille Al-Saoud se plie
devant l’ambition de MBS et les princes contrariés ne manifestent plus
d’hostilité, ils savent très bien quel sera leur sort s’ils critiquent le
Souverain. Les enjeux internes restent donc faibles devant les menaces externes
venant de l’Iran chiite et des voisins comme le Qatar, qui est devenu une épine
dans le Conseil de coopération des pays du Golfe (CCG) et il menace l’extension
politique saoudienne au Moyen-Orient par son alliance avec l’Iran. Et, pour
cette raison, MBS cristallise ses relations avec les États-Unis pour bien
réussir aussi bien à l’intérieur du pays comme à l’extérieur.
Conclusion
Mohamed ben Salman a gagné son pari à
l’interne par le soutien de la jeune génération saoudienne, de l’institution
religieuse et d’une bonne proportion de la famille Al-Saoud. Cependant, il
reste l’opposition saoudienne libérale vivant à l’extérieur qui prêche le
rétablissement d’un royaume constitutionnel, la liberté d’expression, des
élections libres et la libération des détenus politiques et d’opinion qui
risquent de perdre leur vie à cause de leur position hostile. Mais, MBS déclare
et signe qu’il n’y a que la mort qui l’empêchera de réaliser ses rêves de
construire un pays fort.
En parallèle, quoique le front interne
reste plus ou moins solide, le futur Souverain utilise tout ce qu’il possède afin d’empêcher
l’Iran de réaliser son rêve, de posséder une arme nucléaire, de continuer à
étendre le Croissant chiite (Irak, Syrie, Liban) et de déstabiliser le Yémen.
Cependant, la clé pour mettre fin à cette ambition Iranienne débute par remporter une victoire au Yémen, puis
au Liban contre les milices iraniennes, impliquer Israël dans une guerre au
Liban contre le Hizboallah et la victoire sur les deux fronts (Yémen et Liban).
Cette situation pourra avoir un impact et une influence majeure en Iran, ce qui
encouragera les jeunes gens à se révolter et à renverser le régime théocratique
de Wilaya el-Faqih. Ce
qui aura pour conséquence de mettre fin à l’hostilité entre chiite et sunnite (dont se vantait l’Iran
depuis la création de Wilaya
el-Faqih), notamment avec l’aide de
l’opposition iranienne laïque bien forte en Europe et aux États-Unis.
Par ailleurs, Mohamed ben
Salman intensifie sa relation avec les États-Unis pour construire sa ville
intelligente et faire un seul front contre l’Iran qui, selon lui, est la base
de tout malheur dans le Moyen-Orient. Il faut avouer qu’il a gagné son pari avec
l’Administration de Trump qui prétend annuler l’Accord nucléaire signé à
l’époque de l’ex-président américain Barak Obama. Et, le nouveau changement de
noms mené au cœur de l’Administration américaine illustre la réussite du jeune
prince.
Pour finir, les guerres du
futur Souverain se poursuivront sur plusieurs fronts, tous les signes
démontrent qu’il est en train de gagner, néanmoins, de nouveaux facteurs
peuvent émerger à l’avenir ce qui pourrait changer le jeu de l’échiquier.
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